Ce fut le titre français d’un film d’Alfred Hitchcock, dans lequel la mort en effet pourchassait un héros intrépide et une troublante héroïne, à travers une Amérique violente et criminelle…
Pour nous, qui sommes prosaïquement hors écran, pas toujours intrépides et souvent troublés, le suspense est plutôt usé : la mort est partout, pas seulement à nos trousses, elle nous envahit de tous les côtés, armée de guerres, de maladies, d’accidents, de couteaux, de battes de base-ball, ou tout simplement de la bonne et immémoriale vieillesse…
La mort, ultime secousse,
La peur verte à la rescousse,
La mort en son carnaval,
La mort sur son vieux cheval,
La mort puant le scandale
La mort qui enfle son râle
Me jette un baiser glacé
Tend les bras pour m’enlacer !…
Tout cela procède de la vieille école : les journaux en sont pleins, et depuis que le monde est monde, nous pleurons un jour ou l’autre nos amis et nos parents. Il semble pourtant que cela ne suffise pas ; en effet, grâce aux géniales avancées conjointes de la science et du droit, voici que nos chers élus et gouvernants nous annoncent qu’une nouvelle arme viendra bientôt enrichir la panoplie de notre vieille compagne : cette arme pourrait être à deux tranchants : d’un côté, l’euthanasie, de l’autre, le suicide assisté, l’une et l’autre à grand renfort de docteurs et d’infirmières spécialisés.
Cela n’empêche pas, dans notre occident matérialiste et faisandé, d’avoir peur de la mort ; on voudrait l’éviter, l’ostraciser, ne plus en entendre parler, alors que :
La mort, sournoise étrangleuse,
La mort et sa lippe affreuse
Est déjà sur moi si las
Divaguant sur mon verglas…
C’est pourquoi certains espèrent que les progrès de la science aidant, un jour plus ou moins proche verra l’avènement de l’homo immortalis ; ce serait bien sûr le privilège d’une élite riche et restreinte, car il ne faut jamais séparer le progrès de l’argent ; la mort resterait donc le lot d’un nouveau prolétariat, le vulgum pecus ordinaire ; personnellement, si cela arrive, je suis volontaire pour le prolétariat :
Moi, après le gong funèbre,
Je plonge dans la ténèbre ;
Ma vie et un film ancien,
Clair sur tout et sur mon rien.
En effet, j’ai la faiblesse de croire que la vie est un don sacré, à respecter éperdument en dépit de toute misère, qu’il convient d’accompagner avec tendresse jusqu’à l’acceptation respectueuse, et si possible apaisée de son terme, car :
C’est alors que paraît, lente,
Humble autant que triomphante
De pardon et de beauté,
Seigneur, ta douce clarté.