Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Jadis, les femmes étaient très malheureuses.
Elles ne travaillaient pas. Elles tenaient le ménage. Elles devaient s’occuper des enfants, de leur éducation, leur enseigner la morale, le savoir-vivre. Elles étaient quasiment cloîtrées. Les rares fois où elles sortaient, c’était pour aller papoter au lavoir ou pour rejoindre des copines dans des salons de thé et avoir avec elles des conversations féminines. Les plus huppées, celles dont les époux exploitaient le peuple, tenaient des salons littéraires et devenaient des bas-bleus.
Aujourd’hui, les femmes sont heureuses. Elles travaillent. Elles sont caissières, camionneuses, pompières, femmes de ménage, dames pipi, etc., etc. ou elles ont les yeux fixés des heures entières sur des écrans, etc., etc. Elles pratiquent des taches exaltantes, alors que les hommes n’arrêtent pas de se plaindre du boulot et rêvent aux vacances. Quand elles font la cuisine, c’est en coup de vent, elles n’ont pas le temps, disent à ceux qui sont dans leurs jambes : « Tu m’agaces », laissent tomber les assiettes et hurlent des gros mots. Leur langage a acquis de la verdeur et du relief. Elles ne s’occupent plus des enfants ; elles les réservent aux baby-sitters et aux professeurs des écoles. Du coup, les enfants ignorent heureusement la morale et le savoir-vivre. Ce ne sont plus des coincés ; ils sont libres. Ils harcèlent leurs camarades et les poussent au suicide en toute innocence. Quand ils tamponnent un vieux et que ce vieux, par un automatisme de vieux, s’écrie : « Oh pardon ! », ils ne savent plus quoi répondre ; ce ne sont plus des singes savants à qui on a appris la formule : « Je vous en prie » ; ils se disent : « Puisque le vieux con s’excuse, c’est qu’il a tort » et ils lui jettent un regard mauvais, quand ce n’est pas plus. Ils font du potin et écrasent joyeusement les mémères quand ils font de la trottinette.
Les salons de thé périclitent. Les salons littéraires, n’en parlons plus, qu’est-ce que c’est que ça ? D’ailleurs, salon de thé, salon littéraire, c’est de l’enfermé, ça manque d’air, c’est du petit comité, ce n’est pas comme au boulot où il y a du va-et-vient. Comme il faut tout de même de temps en temps décompresser, parce qu’on le vaut bien, on passe un mois sur la plage, libérée des vêtements, allongée, avec, pour se protéger du soleil, un énorme bouquin sur les yeux, de ces bouquins produits industriellement par des gens qui savent y faire et cultivent le cliché. Mais la littérature, grâce à la femme heureuse, c’est fini !