Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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– Vous en faites une tête ! Vous avez l’air excédé !
– Excédé je suis en effet… Par la laïcité !
– Par la laïcité ? Ce pilier majeur de la République ? Cette valeur souveraine, mère de la concorde entre les citoyens ?
– Oui, justement. Non, en réalité, je m’amuse, je ris, je me tords. La République se prend furieusement les pieds dans la laïcité, et c’est fameusement bien fait. Quelle idée, d’abord, d’appeler laïcité un vulgaire couvercle de vide, un couvre-bêtise dégoulinant de nullité ? Notre petit clergé de la religion républicaine est prosterné devant un couteau sans manche dont la lame est introuvable ! Ce pauvre conseiller régional qui a voulu virer du conseil une maman musulmane voilée a fait un beau scandale, pour rien.
– Comment, pour rien ? Au contraire, il a mis en contradiction avec eux-mêmes les autres lévites, qui s’en seraient bien passés ! Vous savez, ceux qui « déplorent les effets dont ils chérissent les causes » !
– C’est vrai, quel vide sidéral de la pensée un peu partout ! En réalité, nous avons affaire à une sorte d’excrétion de l’athéisme, ce qui donne du sens, je veux dire son contenu de sottise, à ce que notre ami X… appelle le laïcathéisme : de même que le vrai laïc, celui des origines, ne se définit que par rapport au fait religieux, la République sans Dieu qui est une espèce de religion, a produit ses laïcs à elle.
– Et si le laïc moderne se révoltait contre son clergé et ses maîtres à penser, où irait-on ?
– Les musulmans radicalisés ou sympathisants des radicaux, qui sont des espèces de laïcs de la République, puisqu’ils ne font pas partie du clergé de sa religion, encore moins de ses fidèles, sont un exemple de cette révolte, et ils font rudement peur aux républicains, qui les ont pourtant fabriqués, à force de démagogie !
– Et les chrétiens ?
– Parmi les chrétiens, il y a beaucoup de dévots de la République ; je dirais même que la plupart le sont, même ceux qui manifestent dans la rue avec femme et enfants. Ils protestent contre des projets de société, mais ne songent pas à remettre en cause la République substantiellement anti-chrétienne qui est née dans le sang des massacres de septembre, a prospéré dans les scandales financiers, les compromissions de toutes sortes, a survécu à deux guerres mondiales grâce à beaucoup de morts chrétiens, et a même réussi à se faire quasiment bénir par plusieurs papes !…
– Arrêtez, arrêtez, je connais vos refrains, pour ne pas dire vos rengaines… Que voulez-vous faire ? Une révolution blanche ? Et d’abord, êtes-vous laïc, vous ?
– Je suis laïc, au sens premier du terme, puisque je suis catholique croyant, et que je ne suis ni prêtre ni religieux. Comme tout le monde, je suis aussi un animal politique, ce qui veut dire que je vis dans la cité humaine, que ma condition d’homme est faite de relations et d’activités familiales, sociales, professionnelles, politiques… Et que je me plais à former un jugement et donner un avis sur la manière dont ma patrie est gouvernée.
– Et vous êtes excédé !
– Oui, je le suis, car cette République agrippée à la France comme une sangsue est devenue obèse, énorme, et tend à défigurer le beau pays dont elle se nourrit ! Elle reste, quoiqu’elle fasse, et en dépit de tous les sermons de ses prêcheurs, un corps étranger, un parasite enkysté, qui affaiblit lentement sa victime, courant ainsi à sa propre perte, d’ailleurs…
– Allons, calmez-vous mon vieux, vous vous faites du mal ! Relisez Racine et les psaumes en écoutant Couperin, et tout ira mieux…