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De l’admiration au culte

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De l’admiration au culte

Dans les temps reculés, on admirait son instituteur, son curé, son professeur, le bienfaiteur de la commune, l’homme au bras long, l’écrivain dont on avait lu de belles pages, son chien s’il faisait joliment le beau et pratiquait des tours de cirque. On admirait des êtres qu’on connaissait, qu’on fréquentait, dont on avait détaillé à loisir les qualités, qu’on prenait goulûment pour modèles. Ce type de comportement archaïque et infantile existait encore à l’époque où la radio crachotait, où la télévision balbutiait, où les maçons contrefaisaient les ténors qu’ils avaient entendus à l’opéra ou dans les cabarets. Ces pratiques trop personnelles, trop rapprochées, malsaines sont heureusement révolues. On est devenu beaucoup plus lucide, beaucoup plus clairvoyant à l’égard des prestiges villageois. Qui admirerait encore un instituteur, dont on sait que c’est un fainéant, un curé dont on sait que c’est un pédophile, un bienfaiteur, quand on connaît les pots de vin, les tripotages que ces gens-là ne manquent pas de faire derrière votre dos ? Ne parlons pas d’un écrivain ou d’un chien ! Un footballeur à la rigueur ! L’admiration elle-même s’est dévaluée ; c’était, dans les temps ringards, une vertu qui permettait, croyait-on, à un individu, grâce à l’émulation, de se hausser au dessus de soi-même ; ce serait maintenant, en ces temps perspicaces, un vice, en tout cas un ridicule.

Ce qui est devenu bien, en revanche, c’est le culte, le culte des gens qu’on n’a jamais vus en chair et en bidoche, seulement en image, en images mouvantes, à la télévision, qui ne balbutie plus, mais est devenue la généreuse pourvoyeuse en idées de tous les Français. C’est le culte des idoles, des pipols, des célébrités, des gens dont on parle, qu’on montre, dont il est question, et dont on parle, rarement à propos de leurs qualités (quelquefois ils en ont), mais dont on parle parce qu’on en parle. Jadis, en des temps lointains, on admirait qui son instituteur, qui le bienfaiteur du village, chacun avait son admiration, c’était fatigant, il fallait admirer par ses propres moyens, c’était aussi une grave cause de division, de rivalité, de mésentente, de guerres fratricides, puisque Paul admirait Jacques et André Lucien. Aujourd’hui, tout le monde adore ceux qu’il faut adorer, c’est reposant, cela crée un consensus, une unanimité, la paix universelle.

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