Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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La bienheureuse catastrophe que fut l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris nous fournit l’occasion de renouveler la commisération fatiguée que nous éprouvons pour les gens « qui ne sont rien ». Figurez-vous que ces petites gens ont pleuré, ont gémi. Ils ont poussé des cris, des « Oh la la ! », des « Oh, mon Dieu ! », etc. etc., quand la flèche de cette cathédrale, produite par le vieux Viollet-le-Duc, ce champion du monde toutes catégories du kitsch et du toc, s’est brisée, puis effondrée. Un peu revenus de leur émotion première, qui ne leur permettait que ces cris primaires, ils ont répété comme des oies qu’ils regrettaient amèrement ce « témoignage du passé, de notre histoire », « l’œuvre des charpentiers et des tailleurs de pierre », « ce symbole de la France » et plus ridicule encore, « ce beau monument », « cette expression de la Foi » (de la Foi !), ce « lieu de prière ». Certains ont même poussé la platitude, le conformisme, le conservatisme, l’inaptitude à toute innovation, en parlant de la Vierge Marie et d’un bel édifice édifié à sa gloire.
Nous autres, gens qui savons, qui avons réussi, experts, progressistes, concepteurs, créateurs, c’est-à-dire dieux, sommes heureusement un peu plus haut perchés et savons que cette prétendue catastrophe est en fait une occasion sensationnelle de déployer notre génie. Nous la reconstruirons, cette cathédrale, « plus belle qu’avant » comme a dit notre président. Déjà des projets fourmillent dans nos têtes divines. L’un veut remplacer la flèche du déplorable Viollet par une aile en alu ou en inox, en tout cas quelque chose de brillant, qui attire l’œil vers l’avenir. L’autre imagine une flèche, certes une flèche, mais toute en verre, qui lancera sa semi-transparence très haut, très haut, sans aucun souci de ces idiotes proportions dont des siècles durant, les retardataires nous ont cassé les oreilles. De l’inox, du verre ! Nous ne sommes plus des tailleurs de pierre, que diable ! Travailler du burin, à notre époque, n’est-ce pas dégradant ? Il y en a qui veulent reconstruire à l’identique. À l’identique ! On voit bien qu’ils n’ont aucune imagination, des mécaniques, aucune grandeur, ils n’y comprennent rien. Encore une fois, des gens qui ne sont rien.