La bonne attitude (ou posture) compatissante (ou plutôt compassionnelle) que viennent d’avoir certains éditeurs français, qui ont suivi dévotement des éditeurs anglais dans leur démarche salutaire (ou citoyenne) ! Ils ont décidé de supprimer dans les livres qu’ils publieront tous les termes qui pourraient blesser les minorités.
En effet, quelle douleur ressent un… quand il lit qu’un personnage de roman est qualifié de… et quelle atroce souffrance ressentira ce… quand, les yeux exorbités de chagrin et l’âme en bandoulière, il verra que son héros favori est traité de…, comme lui. Certains auteurs indélicats regimbent. « Comment, s’exclament-ils, caractériser nos personnages si nous ne pouvons plus dire de ce… qu’il est… et de cet autre qu’il semblerait qu’il soit un… Tous nos personnages vont se ressembler. Rien ne les distinguera plus. Le lecteur va s’y perdre. Il va confondre les personnages ; ce sera pis que dans les romans russes où tous les… sont de vitch et toutes les… des ovnas. Nos histoires vont devenir incompréhensibles. » Et ils ajoutent, ces auteurs désemparés : « C’est la mort de la littérature ».
Eh bien, tant mieux ! Qu’elle crève, la littérature ! À quoi ça sert, la littérature ? C’est du côté des auteurs, n’ayons pas peur des mots, d’affreux tordus, des pervers narcissiques, et du côté des lecteurs, des rêvasseurs, des coupeurs de cheveux en quatre, des perdeurs de temps, qui oublient de se livrer à des occupations utiles, qui compromettent l’aurore de l’intelligence artificielle, l’accueil des minorités et les lendemains enchantés du transhumanisme.
PS. On peut à la rigueur lire Annie Ernaux. C’est un prix Nobel, tout de même.