France
Gouvernement : l’inavouable responsabilité
Si on lit la Constitution de 1958, le Gouvernement est responsable devant les parlementaires avec la faculté pour l’Assemblée nationale de refuser la confiance ou de voter la motion de censure.
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Politique de la ville. Xavier Lemoine est maire de Montfermeil, vice-président de la Métropole du Grand Paris en charge de l’économie circulaire et de l’économie sociale et solidaire, vice-président du Territoire Grand Paris Grand-Est en charge des finances.
Peut-être, tout d’abord rappeler qu’un maire est un « expert du quotidien et de la proximité » et, reconnu comme tel par sa population ; cette dernière l’estime toujours en capacité, directement ou indirectement, d’agir sur toutes les questions de la vie quotidienne. À cet effet, au travers des services municipaux ou de politiques partenariales, il exerçait une quarantaine de métiers différents. Responsable « de tout » il possédait sous son autorité les outils d’action et d’intervention. En un mot, tenant le clou, il tenait également le marteau. Or, aujourd’hui, bien plus que la raréfaction de l’argent public, c’est la confiscation des compétences-clés au profit d’entités politiques de deux-cent mille à quatre-cent mille habitants qui marginalisent totalement les maires. Ils représentaient le dernier contre-pouvoir politique. Les voilà muselés. Au-delà de cette proximité et réactivité, le maire, dépositaire et respectueux de l’identité profonde de sa ville, de sa population, était également le garant du temps long, du rythme de croissance de sa ville, de sa projection dans le temps et dans l’espace. Ce sont bien les libertés locales qui sont menacées. Le citoyen disparaît au profit de l’utilisateur de services, l’être enraciné au profit du consommateur. Suivra dans quelque temps le démantèlement de la fonction publique territoriale et régneront alors les « community managers ». Quelques grands groupes seulement se partageront les services aux publics. Le mot « Politique » aura-t-il encore un sens, un contenu ? Cette orientation générale à toute la France prend un accent plus préoccupant dans nos villes de banlieues oú les enjeux d’intégration, d’éducation, de cohésion sociale, de sécurité publique sont plus aigus et polymorphes. Je sais, pour ma part, ce qu’avec l’aide puissante de l’État, dans le cadre de la fameuse « Politique de la Ville », nous avons pu construire comme politiques publiques originales et adaptées aux particularités et exigences du terrain. Dans la durée, je peux en apprécier les résultats comme les insuffisances dès lors qu’un minimum d’exigences ne sont pas portées collectivement au niveau national.
Aussi, les centres de décisions s’étant déplacés dans les « interco » et dans les « Métropoles », il convient donc d’y être pour participer à l’élaboration des politiques publiques et rappeler avec force et obstination que rien de durable ni de bon ne peut être atteint sans un scrupuleux respect du principe de subsidiarité. La bataille se joue là, elle est âpre.
Souvent, en direction de mes collaborateurs et des partenaires de la ville, je raconte cette fameuse histoire des trois tailleurs de pierre qui, accomplissant rigoureusement la même tâche, répondent de trois manières différentes à la même question : que faites vous là ? Le premier indique qu’il taille une pierre, le second qu’il monte un mur et le troisième qu’il construit une cathédrale. Comment, au travers des missions, talents, responsabilités, initiatives de chacun, mettre en perspectives tout l’ouvrage en vue d’une compréhension plus vaste et plus ordonnée ? Comment amener chacun à situer ses actions dans une construction collective plus vaste ? C’est un gage de cohésion, de concorde et d’efficience. C’est la raison pour laquelle je passe beaucoup de temps à expliquer tous les projets, à exposer toutes les raisons qui les motivent, à imaginer toutes les interactions possibles et à susciter connaissance, compréhension, adhésion et participation. Cette « ambiance village », comme je l’appelle, permet à chacun de donner le meilleur de lui-même et produit de surcroît des fruits vertueux.
Je crois en effet nos libertés locales menacées et sous couvert d’économie d’échelle, de mutualisation, de rationalisation, de gains de productivité, en fait d’une vision strictement matérialiste et financière des politiques locales, nous assistons à une atomisation de notre société oú les solidarités, les sociabilités naturelles sont méthodiquement démantelées. Chacun sera désormais seul face à une technostructure tutélaire et anonyme. Ces mots peuvent paraître grandiloquents mais nous nous y acheminons à grands pas. Et s’il n’y avait que cela d’inquiétant dans notre pays comme ferment de destruction nous pourrions en sourire, mais il y a vraiment à l’encontre de la France une entreprise systématique de désarticulation, de dépeçage, de dislocation. Comment permettre à nos communes d’être encore des lieux d’enracinement ? La perte de l’autonomie fiscale des collectivités locales est une forme déguisée de mise sous tutelle et de recentralisation.
J’ai bien conscience d’ouvrir là un vaste sujet mais les questions qui sont posées à ce jour à notre pays sont des questions capitales. Elles engagent sa survie. Nous avons tous une part à prendre dans ce combat.