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Une Reine est descendue du ciel

C’est bien de l’histoire et qui entre dans la grande histoire, complètement intriquée dans le XXe siècle et sans doute encore dans le XXIe siècle.

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Une Reine est descendue du ciel

Voilà cent ans, la Vierge Marie apparaissait à trois petits bergers portugais illettrés et leur dévoilait, avec les drames sur le point de s’abattre sur le monde et l’Église, les remèdes à y apporter. Si toutes les mariophanies, depuis le XIXe siècle, ont revêtu, tant aux yeux des fidèles qu’à ceux des adversaires de la foi, un caractère contre-révolutionnaire, aucune, cependant, ne fut plus évidemment politique que les faits de Fatima, ni plus violemment combattue.

Au point qu’il reste très difficile, même avec le recul du temps, d’évoquer sans passion les événements de la Cova da Iria, plus encore de les interpréter.

Les apparitions

Tout a commencé sans bruit, au printemps 1915, à une date indéterminée, car Lucia Dos Santos, bénéficiaire des apparitions, ne possède alors aucune notion du comput. Dernière-née d’une famille d’agriculteurs plutôt aisée du hameau d’Aljustrel, dépendant du village de Fatima, ainsi nommé en souvenir d’une princesse musulmane dont s’était épris un chevalier chrétien, Lucia est une enfant choyée, pieuse, certes, mais sans excès puisqu’à huit ans, elle se fait déjà remarquer pour son goût passionné du chant et de la danse. Ses parents lui ont confié la responsabilité du troupeau familial qu’elle mène paître, en compagnie d’autres fillettes. Tandis qu’elles disent le chapelet, elles voient à plusieurs reprises un être blanc et lumineux, « comme un homme enveloppé d’un drap », les regarder en silence. L’incident serait vite oublié, malgré les moqueries des proches informés si, un an plus tard, l’inconnu ne se manifestait à nouveau à Lucia, accompagnée, cette fois, de ses cousins, Francisco et Jacinta Marto, âgés de huit et de six ans. « Ce jeune homme de quatorze ou quinze ans, plus blanc que neige, transparent comme s’il était en cristal et d’une grande beauté », se dit « l’Ange de la Paix », l’ange gardien du Portugal et incite les petits à prier, « car les cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de leur prière. » Il se manifestera trois fois, enseignant aux voyants une catéchèse de la prière, avant, au début de l’automne, de leur donner une communion mystérieuse, alors même que les enfants Marto n’ont pas été admis à la Sainte Table.

L’affaire, ébruitée par Jacinta, fait rire tout le pays. Ce ne sera pas mieux lorsque, le 13 mai 1917, alors qu’ils gardaient les moutons dans les prés de la Cova da Iria, meilleures terres des Dos Santos, les enfants assureront avoir vu, sur un petit chêne vert, « une Dame toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil » qui leur a demandé de venir en cet endroit tous les 13 du mois jusqu’en octobre, puis d’accepter de souffrir en réparation des offenses faites à Dieu et pour la conversion des pécheurs. Elle leur a aussi réclamé la récitation quotidienne du chapelet afin d’obtenir la fin de la guerre, dans laquelle le Portugal vient d’entrer, et le retour de la paix dans le monde. Quoique la Dame ait refusé de se nommer pour le moment, les enfants n’éprouvent aucun doute sur son identité : c’est la Sainte Vierge.

Très vite, l’événement, qui prend une ampleur croissante, dérange. En effet, depuis l’automne 1910, le très catholique Portugal, « terre de Sainte Marie », est aux mains d’un gouvernement républicain maçonnique qui a chassé les Bragance, puis instauré des mesures antireligieuses d’une intolérance extrême. Rien de plus fâcheux, dans ce contexte, qu’une intervention de la céleste Reine du Portugal … La solution s’impose aux autorités : crier au complot de la réaction cléricale habile à manipuler des enfants arriérés. La crainte de perdre le peu de liberté religieuse encore garantie explique pourquoi, tout au long du cycle des apparitions, clergé lusitanien et presse catholique se montreront d’une discrétion qui frise la lâcheté lorsque, en août, le préfet, incapable de prouver la supercherie, tente d’intimider les enfants en les emprisonnant et les menaçant de « les faire frire dans l’huile bouillante », sans leur faire renier leur Dame.

Le message

Il est vrai que la vision qu’ils ont eue le 13 juillet de l’Enfer a immunisé les voyants contre la peur des châtiments humains … Au cours de la même apparition, la Sainte Vierge leur a déclaré : « Vous avez vu l’enfer, où vont les pauvres pécheurs. Afin de les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon cœur immaculé. Si vous faites ce que je vous dis, beaucoup d’âmes seront sauvées et vous aurez la paix. La guerre va se terminer. Mais, si on ne cesse pas d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI, il en commencera une autre pire encore. Lorsque vous verrez le ciel éclairé par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’Il va punir le monde de ses crimes par le moyen de la guerre, de la famine, des persécutions contre l’Église et le Saint Père. Afin de l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon cœur immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. Si l’on répond à mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties. À la fin, mon cœur immaculé triomphera. Le Saint Père me consacrera la Russie, et un certain temps de paix sera accordé au monde. Au Portugal, se conservera toujours le dogme de la foi. Etc. »

Comme à La Salette ou Lourdes, où les voyants, ignorants, ne comprenaient pas de quoi ni de qui il était question, les enfants de Fatima ne savent pas qui est le Saint Père, pensent que Pie XI sera un roi et prennent la Russie « pour une femme très méchante ». Quant au « etc. » qui clôt le récit de l’apparition, tel que Lucia, entrée en religion, le rédigera en 1941, il marque l’interdiction reçue d’En-Haut de révéler la suite, ce que l’on nomme « le troisième secret » et qui fera couler tellement d’encre, même après sa divulgation, parfois jugée erronée, tronquée ou mensongère, en 2000.

Jean-Paul II et sœur Lucie, 13 mai 2000 - Politique Magazine

Jean-Paul II et sœur Lucie, 13 mai 2000

Le miracle public

« Afin que tous croient », Notre-Dame, le 13 octobre, authentifie sa présence en faisant, sous les yeux d’une foule en partie mécréante, sidérée puis frappée de terreur, « danser » le soleil qui semble, un instant, menacer de s’écraser sur la terre. Bien que le phénomène ait été observé à plus de quarante kms à la ronde par des gens qui ignoraient tout de Fatima, le gouvernement parlera d’une vaste « hallucination collective », trouble au demeurant inconnu de la psychiatrie …

L’on admettra que des libres-penseurs bouffeurs de curés pouvaient difficilement accepter pareille ingérence du surnaturel catholique dans la vie de la cité et les affaires humaines.

L’avenir, pourtant, se chargea d’apporter la preuve de la véracité des apparitions. Comme la Vierge l’avait annoncé, quelques jours après le miracle solaire du 13 octobre, la Russie tombait au pouvoir des bolcheviks, ce qui équivalait à une descente en enfer. Le communisme eut dès lors tout loisir de « répandre ses erreurs » à travers le monde et de les y voir croître et prospérer, de sorte que la chute même de l’URSS ne suffirait pas à éradiquer un mal devenu universel. La guerre prophétisée, qu’aucune conversion des nations apostates ne serait venue entraver, se déchaînerait, aux jours ultimes du pontificat de Pie XI. Un long chemin de croix commencerait pour l’Église, coupable, ainsi que le Christ l’expliquerait en 1929 lors d’une apparition à Sœur Lucia, « de n’avoir pas, comme le roi de France, écouté » ses demandes, allusion à l’indifférence de Louis XIV et de ses successeurs face aux demandes du Sacré-Cœur transmises par Marguerite-Marie Alacoque. « Comme le roi de France, Elle s’en repentira mais il sera bien tard … »

Pourtant, preuve de la puissance des remèdes prescrits, le Portugal, qui se consacra au Cœur immaculé de Marie, se vit en peu de temps délivré de la tyrannie maçonnique, échappa à la contagion de la guerre civile espagnole, fut préservé de la Seconde Guerre mondiale, et connut une floraison de la foi et des vocations que rien, en 1917, ne pouvait laisser espérer.

« À la fin, mon cœur immaculé triomphera. » Sûre de cette promesse, sœur Lucie ajoutait : « il ne sera jamais trop tard pour s’en remettre » au Christ et à Notre-Dame.

Un conseil qu’il est sans doute plus urgent que jamais de suivre en ce centenaire.

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