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États-Unis : le grand échec de François ?

Le progressisme américain des années 70 a été endigué et asséché par Jean-Paul II et Benoît XVI, et François n’arrive pas à réformer l’église états-unienne : ses candidats sont déboutés. Le pape a beau multiplier les chapeaux rouges, ses proches atteignent la limite d’âge et les conservateurs gardent la main.

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États-Unis : le grand échec de François ?

2013 : l’arrivée du pape François sur le trône pontifical rebat les cartes dans l’Église. D’abord, du point de vue de l’équilibre international : la venue d’un pape d’un territoire de chrétienté situé en-dehors de l’Europe et même hors du monde occidental, devait être un signe fort. Mais aussi d’un point de vue « interne », avec un pontife incarnant une ligne différente des orientations de ses deux prédécesseurs. Parmi les grands chantiers du pape, celui de l’épiscopat des États-Unis d’Amérique qui doit être reconfiguré en raison de polarisations passées. François ne peut se désintéresser d’un pays qui a un fort écho dans le monde catholique. Dans la géographie ecclésiale, quelques pays comptent, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Inde. Ce qui s’y dit ou se fait est forcément suivi et commenté ailleurs.

Un épiscopat redressé sous Jean-Paul II et Benoît XVI

Dans les années 1970 et 1980, l’épiscopat américain avait versé dans certaines orientations, comme le refus de la dissuasion nucléaire ou des positions hardies en matière de mœurs. L’Église américaine avait été la première à être confrontée à la question de l’homosexualité. Certains évêques furent dans le collimateur de Rome en raison de positions hasardeuses. Mais la patience du pape Jean-Paul II et sa proximité avec certains cardinaux devait conduire à un redressement dans les nominations. Mieux : face aux affaires de pédophilie, l’épiscopat redressa la barre au début des années 2000. Sur le fond, le mouvement pro-vie fut endossé par l’Église américaine. Aujourd’hui, l’épiscopat des États-Unis est le plus engagé au monde dans la lutte contre l’avortement comme en témoignent ses différentes initiatives (neuvaines) ou sa satisfaction quand la Cour suprême américaine releva en juin 2022 l’absence de fondement constitutionnel à l’avortement. Le changement de ligne pontificale devait conduire à interroger l’orientation américaine. Pour le pape et ses proches, la question de l’avortement ne devait plus être exclusive, et l’Église était sommée de ne pas entrer en collision avec les autorités publiques. En 2004, l’avortement n’avait-il pas poussé les catholiques américains à voter pour George W. Bush au détriment de John Kerry ? Concrètement, un tel changement aurait dû se décliner dans les nominations des nouveaux évêques. Depuis 2013, l’épiscopat a été renouvelé de moitié, mais il n’y a pas eu de changement significatif dans sa ligne.

Des nominations à effet limité, malgré les insistances pontificales

En 2015, le pape se déplaça aux États-Unis. Pour les commentateurs « officiels », les discours du pape étaient le signe d’une reprise en main. Puis, en 2016, le pape utilisa la « machine » à créer des chapeaux rouges. Mgr Cupich, nommé à Chicago, fut en effet le bénéficiaire de cette « récompense » qui donne le droit d’élire le pape en cas de conclave. Mgr Tobin, archevêque de Newark, et Mgr Farell, qui exerce à la Curie romaine, furent créés cardinaux. En 2020, Mgr Wilton Gregory, archevêque de Washington depuis 2019, devint cardinal. Puis, en 2022, un « bergoglien » radical, Mgr McElroy, évêque de San Diego, fut nommé. C’est le suffragant de son métropolitain, Mgr Gomez, archevêque de Los Angeles, qui incarne une ligne plus « ratzingéro-wojtylienne » et qui était encore président de l’USCCB… Enfin, en 2023 le pape donna le chapeau rouge à Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique depuis avril 2016 : l’ultime geste pour redresser la barre ? Au regard de ces nominations régulières, on peut supposer que le pape a envisagé de reconfigurer l’épiscopat américain. Or, malgré l’attribution des chapeaux rouges, l’épiscopat américain n’a pas été modifié. On découvre même que telle ou telle nomination de François a consisté à promouvoir des personnalités hostiles à l’avortement et aux hommes politiques qui le soutiennent tout en communiant à la messe… Les nominations n’ont pas débouché sur un jeu de capillarité. L’équilibre en faveur du « pôle » conservateur-classique est maintenu. La seule chose que peut faire le pape, c’est de ne pas donner le chapeau rouge à ceux qui ne sont pas dans sa ligne. Mais ce n’est guère suffisant.

La conférence épiscopale américaine échappe aux proches du pape

Les présidents de la conférence épiscopale américaine ne sont pas dans la ligne de François. À chaque renouvellement des instances, la présidence n’est jamais confiée à un proche ou à un partisan du pape François. En 2016, le cardinal DiNardo, archevêque de Galveton-Houston, est élu à la tête de l’USCCB. Le voyage du pape en 2015 n’a donc pas produit d’effet. Le cardinal DiNardo est remplacé par son vice-président, Mgr José Gomez, archevêque de Los Angeles, en 2019. Puis, en 2022, l’évêque aux armées, Mgr Timothy Broglio, est élu président de l’USCCB. La tendance est constante : aucune figure dissonante à la tête des évêques des États-Unis n’arrive à être désignée alors que le pontificat dure. Et aucun « bergoglien » ne parvient à se faire élire à la tête d’une instance épiscopale. En 2017, le cardinal Cupich a été battu à la présidence du comité pour la vie. Le cardinal souhaitait intégrer au combat pour la vie d’autres sujets comme l’écologie ou la défense des migrants. En 2022, le cardinal Tobin est défait par Mgr Coakley lequel est élu secrétaire de la conférence épiscopale. Les échecs sont tels qu’en 2023 aucun cardinal dans la ligne du pape n’a cherché à se présenter. Mieux vaut faire profil bas quand on sait que l’on risque d’être battu…

Des profils qui restent classiques

On aurait pu s’attendre à des nominations significatives à partir des créations cardinalices de 2016, mais il n’en a rien été. On constate le maintien de profils classiques. Ainsi, le nouvel évêque du diocèse de La Crosse, Mgr Gattersby, est un ancien évêque auxiliaire de Detroit nommé par François en 2016. En 2020, il avait tancé un prêtre de Detroit pour lui rappeler qu’une paroisse ne peut accueillir un groupe qui soutient des positions dissidentes par rapport au magistère traditionnel de l’Église sur l’homosexualité… On se doute que les nominations obéissent à de savants dosages, mais on constatera qu’elles se font plutôt à l’avantage de l’organe dirigeant de l’USCCB. Le catholicisme américain reste « identitaire » et ses représentants médiatiques ne sont pas sur une ligne libérale, à l’instar de Mgr Barron, présent sur les réseaux sociaux. Il y a donc peu d’évêques acquis au pape actuel. Ils se compteraient sur les doigts d’une main. Outre Mgr Cupich ou Mgr Tobin, on peut citer le franciscain Mgr John Stowe (Lexington). Or la plus grande difficulté est que le « milieu » progressiste ne présente guère de profil susceptible d’être nommé. Le seul changement palpable est plutôt dans la nomination d’évêques issus des périphéries. Récemment, François a nommé un philippin comme évêque auxiliaire de Sacramento. Il pratique quelque chose qui ressemble à son souci d’internationaliser le Sacré Collège.

Même les proches de François préparent l’après

Le temps passe et le jeu du vieillissement touche aussi les proches du pape. Le cardinal Cupich a 75 ans et le cardinal Wilton Gregory est âgé de 76 ans. En théorie, ils peuvent ne plus exercer leur ministère en raison de l’obligation de remettre au pape leur démission sous réserve de son acception par ce dernier. En effet, selon le droit canon, tout évêque ayant 75 ans révolu « est prié de présenter la renonciation à son office au Pontife Suprême qui y qui y pourvoira après examen de toutes les circonstances » (canon 401). Mais pour ne pas perdre ses « têtes de pont », François préfère surseoir à l’acceptation de leur démission. Quant au cardinal Christophe Pierre, il est âgé de 76 ans et sait qu’il ne restera pas non plus longtemps. Récemment, le cardinal Wilton Gregory a qualifié le président Joe Biden de « catholique de cafétéria ». Est-ce le signe qu’outre-Atlantique on songe au prochain conclave et que la ligne François est condamnée ? Le Tibre ne s’est pas jeté dans le Potomac. Est-ce donc ce dernier qui irriguera le Tibre ?

 

Illustration : Mgr Culpich recevant, en 2020, sa première injection de Pfizer, « acte d’amour », selon François. Un an plus tard, il restreindra l’usage du missel traditionnel et, encore un an plus tard, chassera l’Institut du Christ-Roi. Et en 2023, il ira en Ukraine, « montrer sa proximité à la population ». On a les proches qu’on veut.

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