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Trump est-il vraiment notre ami ?

Bientôt un an après son élection, le 5 novembre 2024, il est temps de faire un premier bilan de son action et d’en mesurer les bénéfices et les contreparties pour l’Europe et pour la France.

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Trump est-il vraiment notre ami ?

Le bénéfice de l’action de Trump est d’avoir porté un coup sévère au cancer idéologique qui rongeait l’Occident. En conséquence le camp occidental, qui paraissait sur le déclin et de surcroît divisé, a repris de la consistance autant sur le plan culturel que géopolitique ; la question est de savoir si ce n’est qu’un sursaut temporaire et à qui cela profite. En interne, le wokisme, le gauchisme, le militantisme écologique débridé, l’ethno-masochisme de la gauche américaine et, peut-être, l’État profond, ont connu des coups d’arrêt significatifs, dans les universités et dans la presse. L’exemple le plus significatif est que les jeunes générations ne regardent plus la télévision classique, préférant YouTube, X, TikTok, bref les réseaux sociaux, qui véhiculent le pire comme le meilleur mais sont libres. Cela ne laisse plus aux télévisions « normales » que les générations plus âgées.

Breitbart, média politique conservateur américain, rapporte qu’entre juillet 2024 et juillet 2025 MS-NBC comme CNN ont respectivement perdu 40 % et 44 % de spectateurs. Seule Fox-News (pro Trump) a réussi à ralentir l’hémorragie, puisqu’elle n’a perdu « que » 16 %. PBS TV US, la célèbre chaîne de télévision publique, a licencié 100 journalistes : inévitablement on pense au succès d’audience de CNews en France.

Nuages sombres pour l’économie US ?

Une bonne part de son action internationale est justifiée par Trump par l’intérêt national économique, America first. Une réponse à de réelles interrogations sur la prospérité états-unienne. Certes la croissance y est beaucoup plus forte qu’en Europe, mais la dette est colossale (37 274 milliards de dollars en août 2025), le chômage croît, les faillites touchent de grands acteurs. Quelques exemples : Tricolor US, prêteur automobile en faillite avec 600 employés, une dette de 1 milliard de dollars et 25 000 fournisseurs ; Opendoor US, annonces immobilières en ligne, va licencier 85 % de ses 1 400 salariés ; comme sur les marchés l’offre de pétrole surabonde, le prix mondial du baril est proche du seuil de rentabilité du pétrole US (60 dollars) et ConocoPhillips va se séparer de 3 250 salariés, Chevron Corporation a déjà licencié plus de 8 000 salariés depuis février 2025 ; Merck, le deuxième laboratoire pharmaceutique au monde après Pfizer, a licencié 6 000 salariés au mois d’août, en toute discrétion ; la célèbre université de Stanford a jeté à la rue 363 salariés ; TPI Composites, qui fabrique des pales d’éoliennes, est en faillite avec une dette de 80 millions de dollars. Plus anecdotique, Microsoft US a licencié 50 salariés dont la moitié de manifestants qui protestaient contre sa collaboration avec Israël.

Pendant ce temps, le métal jaune progresse d’environ un tiers en 2025, surpassant la plupart des grands actifs, une menace pour le dollar. L’once d’or (21 g) a largement dépassé les 3 500 dollars ce qui signifie que la prochaine étape des 4 000 dollars sera sans doute atteinte avant la fin de l’année. La situation des banques vient de s’aggraver brusquement car elles n’ont plus de liquidités excédentaires à placer auprès de la Fed, d’un jour à l’autre, dans le cadre de la procédure technique dite de Reverse Repo (« accord de vente à réméré ») : cela ressemble fort à un retour de la crise des liquidités (2008) que Donald Trump n’arrive pas à contrôler. On comprend pourquoi il veut la peau de Jerome Powell, le patron de la FED, qui ne veut pas baisser les taux directeurs. Et on comprend aussi pourquoi il impose des droits de douane à 180 pays de la planète.

Esclavage économique

Il s’agit en fait d’asservir « l’Occident ». Dans une interview sur Fox News, en août 2025, Scott Bessent, le Secrétaire au Trésor américain, l’a enfin dit haut et fort : les alliés des États-Unis ne sont ni plus ni moins que ses esclaves économiques. Ce que dit Bessent, c’est que les États-Unis vont désormais traiter la richesse de leurs alliés comme un « fonds souverain » américain (ce sont ses mots), en les « orientant », « largement à la discrétion du [président] américain », sur la manière d’utiliser leur argent afin de construire des usines aux États-Unis et de relocaliser les industries américaines. L’analyste Arnaud Bertrand a écrit : « C’est, sans exagérer, l’une des choses les plus extraordinaires qu’un secrétaire au Trésor américain ait jamais dites. Cela devrait être rendu obligatoire à voir pour tous les citoyens des « alliés » des États-Unis, les Européens en premier lieu ». On se frotte les mains chez BlackRock, BlackStone, Vanguard, Cerberus, KKR, etc., et dans les grands cabinets de consultants comme Boston Consulting Group, McKinsey, Bain, etc.

Même l’animateur de Fox News n’en revient pas, qualifiant cela « d’appropriation offshore », autrement dit de vol. C’est exactement ce que c’est : un pillage colonial pur et simple, sans détour. Incapables de remporter des guerres face à un Sud global de plus en plus puissant, les États-Unis se tournent désormais vers l’intérieur pour festoyer sur leurs propres « alliés » – qui ne peuvent pas résister justement parce qu’ils dépendent de leur exploiteur pour une « protection » militaire1.

Dans le droit fil de cette déclaration stupéfiante, Larry Fink, le patron de BlackRock a été nommé co-président du Forum Economique de Davos (avec le milliardaire suisse André Hoffman) : un sommet dans le genre mondialisation achevée ! La firme de Larry Fink gère toujours plus de 12 milliards de dollars ce qui lui donne le titre de maître absolu de l’économie mondiale, et lui permet de faire chanter tous les gouvernements, y compris américain. Afin que sa nomination à Davos soit « propre », Klaus Schwab a obtenu que son nom soit « lavé » et que son million en notes de frais soit accepté sans suites juridiques, en bon davocrate et corruptocrate !

Geopolitique et économie

Le coup de génie des Américains, aux dépens de l’Europe, aura été de profiter de la guerre en Ukraine pour interdire à tous les pays européens et autres de commercer avec Moscou. Après quoi, empêcher tout virement bancaire vers les banques russes, en interdisant l’accès au réseau de télécoms bancaire Swift (cf. Politique magazine de février 2025, « L’affaire Swift »). Puis, une fois que l’Europe et le Canada ne peuvent plus commercer avec les Russes, leur imposer 15 % de taxes sur leurs exportations vers les… États-Unis !

Une incontestable réussite pour Donald Trump ; et, cerise sur le gâteau, 500 millions de citoyens européens, devenus esclaves des Américains, devront également acheter pour un milliard de dollars d’armes. Le Financial Times a écrit : « les États-Unis savaient que l’UE était faible, désormais le monde entier le sait ». Un des rares à avoir souligné la défaite de l’Europe face à Trump aura été Dominique de Villepin, qui a bien vu comment Donald Trump a roulé l’Europe dans la farine avec son chantage sur les droits de douane : il a « forcé » von der Leyen à acheter pour 750 milliards d’énergie américaine, l’a « forcée » à investir 600 milliards aux États-Unis, à payer 15 % de droits de douane pour exporter et 0 % pour importer des produits américains, et lui a « imposé » ses produits agricoles et la suppression des règles qui bloquaient les ventes de voitures américaines en Europe !

75 minutes pour forcer la main de l’Europe

Le New York Post comme le WSJ se félicitent parce que cela n’a pris que 75 minutes à Trump pour forcer la main à l’Europe ! En résumé : 1,3 milliard de dollars du commerce européen est déplacé vers les États-Unis, avec 0 % de droits de douane pour les compagnies américaines qui vendront en Europe. C’est une victoire par KO. Commentaire de Trump : « I think it’s the biggest deal ever made » : Trump tient la laisse et madame von der Leyen est le caniche. Villepin qualifie ainsi cet accord (qui n’est pas encore accepté par tous les pays de l’UE) : « Comment ne pas appeler cela un tribut ? » Une vente forcée de 750 milliards de dollars d’énergie, et avec quel impact sur la souveraineté énergétique européenne et française ? Il est illusoire de croire que Donald Trump arrêtera là ses revendications face à une Europe dont il méprise la souveraineté. Dans ces conditions, nous ne pouvons que reprendre l’aphorisme du Foreign Office britannique : « Nous n’avons pas d’amis immémoriaux, nous n’avons pas d’ennemis immémoriaux, nous n’avons que des intérêts immémoriaux. »

 

1. Toutes choses égales d’ailleurs on ne peut s’empêcher de penser à la guerre du Péloponnèse et à l’hégémonie d’Athènes. Les cités alliées (ligue de Délos), plutôt que de s’investir directement dans la défense de l’alliance, préféraient s’acquitter d’un tribut, le phoros, qui entretenait la puissance militaire de l’unique cité prenant en main toutes les opérations militaires de la confédération, la thalassocratie athénienne, accordant à la cité une emprise de plus en plus grande sur les autres membres de la ligue ; d’alliés, ces derniers devinrent des sujets. Sparte, légitimement inquiet, finit par déclarer la guerre, et Athènes fut vaincue – à quel prix…

 


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