En rachetant aux Anglais l’anneau que portait la sainte, le Puy du Fou vient d’ajouter un épisode à l’épopée johannique. La relique sera désormais conservée en Vendée.
Les yeux écarquillés, ils ne perdent rien du spectacle chamarré que leur offre l’étonnant cortège : chevaliers empanachés, destriers caparaçonnés, oriflammes claquant au vent précèdent le dais qui protège le précieux reliquaire. Beaucoup d’enfants sont venus assister le 20 mars, sous un beau soleil de printemps, à la « cérémonie d’hommage à l’anneau de Jeanne d’Arc ». Une centaine d’élèves-officiers de Saint-Cyr, volontaires, forment une haie d’honneur à ce brillant équipage, accompagné par la musique militaire de l’artillerie de marine de Rennes, qui joue la Marche de Robert de Bruce. Casoars et gants blancs, les « cyrards » entonneront d’une voix sourde et cadencée le beau chant de Péguy pour clore la journée :
Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle.
Hommage à la Pucelle ! Hommage à la sainte que reconnut la République. Plus de 5 000 personnes, venues d’à peu près toute la France, se pressaient ce jour-là dans la cour du château du Puy du Fou, où se déroulait l’événement solennel. L’anneau, tout menu, sera provisoirement abrité dans la chapelle de ce château dont les plans furent dessinés par le Primatice. C’est de là que partit, il y a six cents ans, l’un des compagnons de Jeanne, Guyon, qui tomba sous les remparts d’Orléans. C’est là que les pèlerins pourront désormais se recueillir sur la relique de la sainte, en attendant que le Puy du Fou érige la basilique qu’elle mérite.
L’histoire de ce retour en France est désormais connue. On le doit à trois hommes : Jacques Trémolet de Villers, Philippe et Nicolas de Villiers. Le premier vient de signer un livre très documenté sur le procès de la Pucelle. C’est lui qui signale au second, à la fin du mois de février, qu’une maison de ventes anglaises, Timeline Auctions, s’apprête à mettre aux enchères l’un des anneaux de Jeanne d’Arc, qu’elle tient de ses parents. Cet anneau fut une pièce du procès que ses ennemis intentent à la Pucelle. Il aurait des pouvoirs maléfiques, avance l’évêque Cauchon qui veut démontrer, en biaisant chaque question, que Jeanne est une sorcière. Mais l’enfant, la sainte, ne se laisse pas dérouter : elle dira seulement, qu’ayant cet anneau au doigt, elle a « touché à Sainte Catherine », qui lui est apparue.
Il faut faire vite. La fondation Puy du Fou Espérance, que préside Nicolas de Villiers, décide de l’acquérir. Mais comment réunir la somme nécessaire ? Une souscription est lancée. Quarante-huit heures suffiront à lever les fonds – une manière de miracle. Des dons, de quelques dizaines à quelques milliers d’euros, complètent l’apport de la fondation. Philippe de Villiers y consacre une part des droits d’auteur tirés de son dernier livre, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu (Albin Michel). Le jour dit, le Puy du Fou l’emporte contre des Américains, des Britanniques, des Japonais. Adjugé, vendu ! 376 833 euros. Nicolas de Villiers va chercher l’anneau sur les rives de la Tamise, la relique revient en France.
Mais, puisqu’il s’agit d’histoire, puisqu’il s’agit d’une sainte, il fallait bien que surgisse une polémique. Des historiens ont contesté l’authenticité de l’anneau. Il en existait au moins deux, soulignent-ils : celui dont parle l’évêque Cauchon, plus un autre que les Bourguignons, alliés des Anglais, ont enlevé à Jeanne quand ils l’ont capturée. Mais les experts consultés par la fondation vendéenne sont formels : il s’agit bien d’un anneau du XVe siècle, fait d’un fond d’argent mêlé de cuivre et plaqué or. Crevasses, replis de matière, marques de bigornes… Les techniques de fabrication sont bien celles de cette époque. Et sa description correspond à celle que Jeanne en a donnée : tous les indices concordent.
Les Anglais eux-mêmes sont convaincus que c’est de l’anneau de Jeanne : voici qu’ils réclament son retour en Grande-Bretagne, au motif qu’il s’agit d’un objet « à forte valeur symbolique nationale » ! L’anneau de Jeanne d’Arc, patrimoine anglais ? « Le gouvernement britannique pouvait faire valoir son droit de préemption avant la vente, il ne l’a pas fait et le regrette », a déclaré Philippe de Villiers le 20 mars, entouré de Me Trémolet de Villers et de l’historien Franck Ferrand. « Aux Anglais qui voudraient venir le voir, je dis : « Welcome to the Puy du Fou« . Aux autres, je dis : « It’s too late ! » L’anneau est en France et il y restera ! »