À l’heure où la guerre réapparaît sur le sol européen sous sa figure éminemment tragique, à l’heure aussi où certains dirigeants européens « jouent à la guerre » jusqu’à l’enivrement autarcique des mots, cet essai vient utilement rappeler qu’il y a plus d’un siècle, un général prussien avait définitivement dit ce qu’il fallait penser d’un phénomène aux multiples facettes – « une entité en soi […], véritable caméléon […] changeant de nature dans chaque cas particulier ». Paresseusement résumée à sa formule canonique – mais souvent tronquée – de la guerre comme « continuation des transactions politiques par l’immixtion d’autres moyens », la pensée polémologique et stratégiste de Clausewitz demeure finalement assez mal connue. L’officier prussien, homme de terrain mais savant érudit à ses heures, a étudié la guerre au prisme du génie stratégique et politique de Napoléon Bonaparte. Bien que De la guerre, son livre le plus célèbre, restât inachevé et ne fût nullement publié de son vivant – sa veuve s’en chargera un an après sa mort –, il n’en contient pas moins (notamment dans son Livre Ier) la « synthèse finale » de ses travaux. Organisé autour de la « singulière trinité » du politique, du général et du soldat (les trois échelons politique-décision, stratégique-opérationnel et tactique-opératif), l’art de la guerre, tout de simplicité mais d’exécution difficultueuse, évolue dans le brouillard des « frictions » et des aléas. Après Héraclite, Sun Tzu et Machiavel, Clausewitz rappelle que la guerre est un phénomène éternel résolument ancré dans l’homme. 

Laurent Schang, Carl von Clausewitz. Soldat, réformateur, stratégiste. La Nouvelle Librairie, 2025, 64 p., 9 €