Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

La lancinante question de la retraite

La question des retraites pose surtout la question du rôle de l’État français : protecteur ou spoliateur ? D’une part, l’État fait semblant de ne pas voir que l’immigration amène en France des travailleurs non qualifiés, dont les cotisations seront moindres ; d’autre part, que l’avortement met en péril la retraite par répartition… sauf à euthanasier ceux qui coûteront trop cher. Il faut refondre entièrement le système pour mettre en place une véritable solidarité entre les générations.

Facebook Twitter Email Imprimer

La lancinante question de la retraite

Quand on voit revenir en France le débat sur la captation par l’Urssaf des réserves de l’Agirc-Arrco, force est de constater premièrement que le régime des retraites complémentaires n’a pas été si mal géré que cela par les partenaires sociaux, ensuite qu’il s’agit ni plus ni moins que d’un vol encourageant toutes les mauvaises gestions, enfin que les retraités et futurs retraités, ainsi que les partenaires sociaux, ne jouissent pas d’une grande considération de la part des pouvoirs publics. Si la dernière réforme des retraites a donné lieu à des manifestations de colère et d’incompréhension, elle n’a pas pour autant débouché sur l’adoption d’un système pérenne. Il faudra bientôt remettre l’ouvrage sur le métier.

Le vieillissement de la population

En 2022, la part de la population française âgée de plus de 65 ans atteignait déjà plus de 21 % du total, contre 18 % en 2018 et devrait continuer à croître dans les années à venir. Aujourd’hui il n’y a plus que trois personnes actives (trois cotisants) pour un retraité (un pensionné). La charge est donc très lourde pour ceux sur qui elle pèse. Et cela ne va pas s’améliorer. D’après les études de l’Institut national d’études démographiques (Ined), « entre 2021 et 2070, la population [française] n’augmente qu’après 75 ans »(1) ! Si, pour l’instant, l’Ined ne prévoit aucune chute de la population totale avant 2030, c’est uniquement parce qu’il compte sur le maintien d’un solde migratoire positif évalué entre 20 000 et 120 000 personnes par an.

Une des conséquences qui en découleront pour le régime des retraites, que ne prennent pas en compte ces études, c’est le fait que les nouveaux arrivants n’auront pas obligatoirement les mêmes qualifications que ceux qui arriveront à l’âge de la retraite et que, dès lors, la masse des cotisations à percevoir ne sera pas directement corrélée au volume des retraites à verser.

Bien plus, cette projection moyenne évaluée par l’Ined ne prend pas en compte deux phénomènes importants. Le premier est le fait qu’avant même que le président Macron ne cherche à le consacrer comme un « droit » dans la Constitution l’avortement tue chaque année en France plus de 200 000 enfants à naître. Ce chiffre – au-delà de tout aspect moral – est à comparer avec celui avancé par l’Ined d’une décroissance de la population de 110 000 personnes par an jusqu’en 2070 (à supposer un solde migratoire annuel positif de 120 000 individus). Le second a été présenté en juin 2023 sur le site Vie Publique géré par la Direction de l’information légale et administrative : en 2022, la France a connu une « surmortalité record aux causes inconnues »(2). Le plus grave dans cette constatation est que ce site gouvernemental explique que c’est chez les 15-34 ans que cette surmortalité a été la plus frappante. « Dans le détail, en 2022, les décès des moins de 15 ans sont de 6 % supérieurs aux valeurs attendues ; chez les 15-34 ans, après + 3 % en 2021, la hausse est de 10 %… ». Dans ces conditions on comprend que l’on ne pourra rétablir l’équilibre des régimes de retraite qu’en arrivant à abréger la vie des vieux ! Un régime de retraite par répartition est incapable de perdurer dans les conditions actuelles face à l’évolution démographique attendue.

Un système socialo-individualiste

Notre régime de retraite est fondé sur un système par répartition que l’on a l’habitude d’opposer à un système par capitalisation. En fait, le discours officiel met bien l’accent sur la caractéristique d’un système par capitalisation dans lequel c’est chaque individu qui met de côté une partie de ses revenus pour les gérer lui-même (ou les faire gérer par quelque fonds de pension) afin de retrouver de quoi faire face à ses seuls besoins quand il ne sera plus en mesure d’y arriver par lui-même. Ce système est donc bien, par essence, individualiste. Il pourrait cependant être un peu tempéré si les sommes mises de côté étaient investies dans des entreprises nationales donnant du travail à la population active et fournissant à la société des biens et services foncièrement utiles.

Par opposition, le même discours officiel met l’accent sur le fait que le système par répartition serait porteur d’un mécanisme de solidarité intergénérationnel. Si cet objectif a bien été présent dans la philosophie qui a présidé à sa mise en place, il y a longtemps qu’il a été perdu de vue. En effet, chaque bénéficiaire considère désormais qu’il a « droit » à une retraite à proportion des sommes qu’il a cotisées. En réalité il n’en est rien puisque, à un instant donné, les cotisations des actifs servent à verser des pensions aux personnes retraitées ; le fait de prendre en charge les retraites des vieux ne donne qu’un droit moral à bénéficier ultérieurement de l’exercice de la solidarité de la part des plus jeunes. À côté de ce « droit » individuel, le système repose sur la socialisation des cotisations comme des pensions. Si tout système individualiste est fondé sur des « droits » individuels et tout système socialiste débouche sur des « droits » identiques pour tous, le système français actuel est essentiellement socialo-individualiste. Dans un véritable système solidaire par répartition, le montant des pensions devrait varier à la hausse comme à la baisse en fonction du total des cotisations qui sont supportables pour les actifs. En fait, contrairement au discours politique, le sens de la solidarité a totalement disparu de la mentalité de la population. Les cotisants estiment que leurs cotisations leur donnent un droit absolu sur un certain niveau de retraite quand le moment sera venu alors que les retraités considèrent les pensions comme un dû que la société a le devoir de supporter.

Les caractéristiques de la retraite par répartition

Pour remettre en avant l’état d’esprit de solidarité qui devrait irriguer tout régime fondé sur la répartition, il y a deux conditions techniques essentielles, qui ne doivent pas occulter pour autant le fait que le retraité-pensionné ne peut consommer que des biens et services produits par d’autres et disponibles sur le territoire national ; il en est donc dépendant.

Aujourd’hui les pensions sont censées être servies à partir des sommes collectées grâce aux cotisations des entreprises et des salariés. Si l’on peut considérer que les salaires versés sont un bon indicateur de la participation de chaque actif à la richesse nationale, il n’en est pas de même pour les entreprises. Leur participation à la richesse nationale ne résulte en rien de la masse des salaires versés – car il est facile dans certains cas de remplacer les employés nationaux par des machines et dans d’autres de délocaliser la production vers des pays où les charges sociales sont moins élevées. La participation des entreprises à cette richesse nationale serait donc mieux appréhendée à partir de leur valeur ajoutée globale.

Toutefois cette question de l’assiette de la cotisation des entreprises n’épuise pas le sujet. En effet la retraite par répartition, pour être supportable, doit reposer sur un nombre suffisant d’actifs. Et c’est bien ce dernier point qui est le plus fondamental si l’on veut parler de solidarité intergénérationnelle. Toute personne qui souhaite, demain, pouvoir obtenir un minimum de retraite de la part de la génération suivante se doit de veiller au renouvellement des dites générations. Comme l’ont souligné Alain Paillard et Jacques Bichot le 13 novembre dernier sur le site www.economiematin.fr, « préparer l’avenir, cela consiste surtout à investir. Or le grand, le principal investissement, c’est la formation du capital humain ». Pour qu’un système par répartition puisse exister il est indispensable, non seulement que la natalité soit suffisante mais encore que les parents aient les moyens (temporels, psychologiques, financiers…) de former convenablement leurs enfants. Un régime de retraite fondé sur la solidarité intergénérationnelle est étroitement lié à une politique familiale tournée vers l’avenir, ce qui emporte aussi une politique éducative qui forme vraiment de futurs citoyens conscients de leurs devoirs (et non pas simplement de futurs électeurs en espérance de droits).

Dans une telle optique, les mères de famille qui sacrifient leur réussite sociale personnelle à l’éducation de leurs enfants doivent être prioritaires dans l’obtention des droits à la retraite. C’est pourquoi, comme le préconisent nos deux professeurs précités, « choisissons le bon sens, attribuons les droits à pension dite par répartition au prorata des investissements réalisés dans la jeunesse ». Et si un individu souhaite obtenir quelque chose de plus pour ses vieux jours, il peut sécuriser son besoin de précaution en abondant en plus un fonds de capitalisation.

 

 

1. Population & Sociétés, février 2022.

2. Cette surmortalité a été aussi constatée dans la plupart des pays les plus riches si bien que de plus en plus de personnes soupçonnent les vaccins anticovid, la pénurie de médicaments et les déserts médicaux de ne pas y être totalement étrangers.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés