La tragique violence du monde nous surprend toujours ; elle a même trompé la vigilance des champions du renseignement que sont les Israéliens ; la haine de leurs ennemis s’est armée de patience et d’ingéniosité ; ils ont su pratiquer en virtuoses la stratégie de la déception, au moyen de manœuvres préparatoires minutieuses, pour, au moment choisi, lancer une attaque asymétrique d’une violence inouïe, coordonnée, implacable.
Ils se sont attaqués aux plus vulnérables, à ceux que les lois humaines ordinaires sont censées protéger : les femmes, les enfants, les vieillards ; ils ont infligé la mort, les blessures, le viol, la prise d’otage à ceux qu’ils avaient pris pour cible ; les autres, les parents, les amis, les spectateurs impuissants, ils les ont jetés dans cet état empreint d’horreur et de foudroiement, mélange de sidération et de terreur ; tel est le but de guerre des terroristes : anéantir la volonté de résistance, noyer dans le sang la dignité humaine, réduire la personne à l’état d’animal terrifié et soumis. Ils cherchent à obtenir par des actions soudaines et d’une violence extrême ce que les nazis, les communistes soviétiques, chinois, vietnamiens planifiaient dans leurs camps. Monstrueuse parenté du mépris homicide, du dévoiement forcené de l’intelligence au service d’un « Grand Œuvre » de mort, mort de la personne dans sa dignité et sa liberté.
Mais nous savons aussi que ce déchaînement pervers n’atteint pas toujours ses objectifs : Saint-Just et Robespierre se sont maintenus quelques mois, la fortune de Lénine et de ses successeurs a duré quelque soixante-dix ans – mais celle de Mao dure encore sous la poigne de Monsieur Xi Jinping.
Des proies pour les fauves
Les organisations terroristes islamistes ne se réclament pas du matérialisme historique ; elles ne vénèrent ni Marx, ni Engels, ni même une nation particulière, comme les Chinois qui sont avant tout adorateurs de l’Empire du Milieu. Les terroristes répètent jusqu’à l’hébétude la « chahada » (Il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète). Le Coran et la Charia sont leur horizon spirituel, et la domination mondiale de l’Islam leur but suprême. Est-ce du terrorisme en soi ? À première vue, non ; mais ce mode d’action surgit dès que l’on passe au « que faire » et au « comment faire ». L’Islam est une foi religieuse, et beaucoup en restent là, heureusement, mais pour d’autres le terrorisme en est la « praxis » incontournable, comme un rejeton monstrueux.
L’agression terroriste n’a rien de commun avec les guerres européennes du XVIIIe siècle qui généraient certes morts et misères, mais leurs antagonistes n’avaient pas pour but l’anéantissement de l’adversaire : ils cherchaient par le succès de leurs armes à obtenir une paix avantageuse. Nous savons bien que depuis ce temps sont apparues des armes, des politiques, des idéologies de plus en plus mortifères d’où sont issus les guerres mondiales et les génocides.
Le terrorisme, l’un des plus détestables produits de cette évolution, est aujourd’hui actif à l’échelle mondiale, et il émane d’une dynamique conquérante ; mais reconnaissons qu’il se développe à la mesure de la décadence des civilisations qu’il méprise profondément et qu’il veut détruire ; nous, postchrétiens occidentaux, nous sommes dans l’ensemble devenus malthusiens, hédonistes, lâches et très vulgairement matérialistes, tout en demeurant riches par surcroît. Des proies alléchantes pour les fauves. Pas de quoi s’étonner.