Ils ne faisaient pas connaître leur singularité. Ils vivaient apparemment comme tout le monde. Moyennant quoi ils menaient une existence paisible. Évidemment, ils s’ennuyaient un peu. Pour passer le temps, ils s’adonnaient aux arts et y réussissaient souvent. De nos jours, leur vie est heureusement plus mouvementée. Ils ont fait leur sortie, leur coming out qu’ils disent, pour montrer qu’ils savent l’anglais. À certains jours donnés, ils se sont hissés sur des chars et se sont ainsi promenés dans les rues dans des tenues que ne mettrait pas n’importe qui. Du coup, les nigauds qui avaient pensé jusque-là que de si mirobolantes personnes étaient rares et qu’en tout cas ils n’en connaissaient pas ont soudain découvert qu’il y en avait partout. Désormais, quand ils voient deux hommes ensemble ou deux femmes de même, ils se disent curieux, inquiets, émoustillés : « C’en est ? » Voilà un jeu amusant et pour le suspecté et pour le suspecteur.

Transgenrisme…

Quelquefois, le suspecté, parce qu’il n’aime pas les jeux violents ou qu’il a les traits fins et n’a pas l’air d’une brute, est le point de mire de quolibets en langage populaire, de défis, de coups de téléphone, de messages sur les réseaux sociaux ; quelquefois, on l’attire dans un coin et on le tabasse. Vous voyez, s’il n’avait pas pratiqué ce fameux coming out, ce ne serait pas arrivé. Mais on a été plus loin. On a inventé quelque part chez les Iroquois ou les Comanches, qui ont été exterminés, mais c’est une autre histoire, le concept de « transgenre » et d’autres concepts et d’autres et d’autres, d’une plus haute intellectualité. Désormais, dès le berceau ou presque, l’adolescent se demande quel il est. Il gratte son ressenti, il compare avec son anatomie, il ne comprend plus rien, parfois il coupe court à ses interrogations par une pratique létale.

Illustration : C’est compliqué !