Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Pour qui aime les mots, le livre de Jean-Louis Roch consacré aux pauvres au Moyen Âge est une cornucopie.
Le mauvais mendiant médiéval (le oiseux qui détourne les aumônes, en quelque sorte réservées aux mendiants méritants) est un coquin, un maraud, un bélître, un gueux, un bribeur, un truand, un ribaud… tous mots aujourd’hui moins attachés à la mendicité qu’au vol (on regrette que happeloppin ait disparu). L’auteur traque chaque mot dans les ordonnances et les récits, dans les fabliaux et les poèmes. Interrogeant sans cesse la langue, il fait surgir un tableau complexe, complet et inattendu du pauvre, de sa psychologie, de ses mœurs, de son rapport à ceux qu’il sollicite ou trompe, et de la manière dont cette pauvreté ambivalente (au XIIe siècle, la « révolution de la charité » fait de la pauvreté une figure du Christ) est pensée par les pouvoirs publics, qui s’essaient à gérer la pauvreté en distinguant les vrais misérables de ceux qui se dérobent au travail : l’assistance s’institutionnalise, le vagabondage se règle, d’autant plus qu’après la peste noire (post 1350) on manque de bras et de compréhension pour ceux qui persistent à ne pas s’employer… On finira par aboutir à l’enfermement des mendiants dans les hospices. Jean-Louis Roch se concentre sur le Moyen Âge : comment devient-on et est-on pauvre ? Comment est-on désigné, classé, secouru, par quels mots désigne-t-on la misère et la tristesse ? Chaque citation ouvre un petit monde, l’auteur nous y promène avec science et assurance.
Jean-Louis Roch, Vivre la misère au Moyen Âge. Les Belles Lettres, 2023, 260 p., 25,50 €