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Musée et musée

Mon oncle Victor, l’époux de ma tante Euphrasie, me raconte que quand il était jeune, ce qui remonte loin, les musées avaient quelque chose de mélancolique. Ils étaient à peu près vides. Un rayon de soleil oblique traversait la poussière.

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Musée et musée

Dans un coin d’une salle aux lambris ternis, un gardien en uniforme avec une casquette sur la tête était tassé sur une chaise, presque tordu, assoupi et ne voyait pas qu’un grand jeune blanc, profitant de ce que le lieu était désert, y avait entraîné une jeune fille et se livrait sur elle à des agressions qui auraient fait hurler de haine la plus calme de nos wokistes. Le rare visiteur restait planté un quart d’heure devant un prétendu chef-d’œuvre du passé, s’offrant un plaisir solitaire et égoïste.

Mon cousin Lucas, petit-fils de mon oncle Victor, me raconte que les musées actuels sont conviviaux et ludiques. On a disposé au milieu des chefs-d’œuvre du passé des trucs contemporains tout à fait marrants. Les couleurs sont flashy. Il y a foule. Les enfants des écoles, quand ils sont fatigués d’écouter une animatrice au commentaire trapu, courent partout et poussent des cris tout ce qu’il y a de plus suraigu. Des hordes de touristes débarquent et se rameutent, avides d’arriver devant la Joconde qu’il faut se faire, ou la Jeune fille à la perle, ou la dernière production de Koons, dont on a parlé dans le journal qu’il faut lire. Tout cela crée un boucan sensationnel. On se croirait, en plus bruyant, dans une salle de sports. L’amateur de peinture (« Ça existe encore, ça ? – Eh oui, il y en a, je vous jure ! »), le rare amateur de peinture, ce demeuré, attend un quart d’heure pour réussir à se faufiler et pouvoir jeter un œil furtif sur la toile qu’il convoite, mais l’œil est vraiment furtif, on le pousse dans le dos, on lui donne des bourrades, il doit tenter de se satisfaire plus loin. Son plaisir n’est plus solitaire et égoïste ; il est partagé, humanitaire, culturel, citoyen.

 

Illustration : Ce que voit Mona Lisa.

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