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Législatives 2022 : la chute finale des Républicains ?

Les Républicains ont réussi ce joli tour de force d’un barrage républicain quarantenaire contre les nationalistes, qui a surtout servi à les faire disparaître eux-mêmes. Cet autoproclamé “parti de gouvernement” ne gouverne plus depuis dix ans et, ne sachant plus diriger, ne sait pas non plus s’opposer.

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Législatives 2022 : la chute finale des Républicains ?

Chez Les Républicains, c’est la chute permanente depuis 2012. Battus aux présidentielles de 2012, de 2017 et de 2022, ils le sont également aux législatives consécutives à chacun de ces renouvellements. Car si Les Républicains prétendent avoir sauvé des meubles dans les élections à l’Assemblée nationale des 12 et 19 juin 2022, c’est au prix d’un rétrécissement continu de leur nombre de députés : 198 en 2012, 101 en 2017 et maintenant 61. Pas de quoi se réjouir, même si le groupe LR a bénéficié de deux choses : d’abord, du relatif enracinement de ses sortants ; ensuite, de seconds tours qui les ont opposés à des repoussoirs, qu’ils soient LREM ou NUPES. C’est en fait la logique du scrutin majoritaire qui permet à certaines formations politiques minoritaires de survivre dès lors qu’elles disposent d’un solide capital électoral sur le terrain. Les électeurs des candidats éliminés dès le premier tour n’ont en effet pas eu d’autre choix que de voter au second tour pour les candidats qualifiés en vue du second tour. Dans un sens, on peut émettre l’hypothèse que les électeurs LREM ont voté LR, tout comme les électeurs LR ont donné leurs suffrages aux candidats LREM lorsque ces derniers étaient notamment confrontés à un candidat portant l’étiquette de la NUPES. Cependant, ce « sauvetage » de députés LR masque difficilement la forêt des monumentales défaites.

LR disparaît de certains territoires

Si on regarde les duels du second tour, on note des défaites assez cinglantes. Brigitte Kuster, député du XVIIe arrondissement, est battue par l’une des fondatrices de LREM, Astrid Panosyan-Bouvet. De même, Éric Diard, député des Bouches-du-Rhône, est battu par Franck Allisio, étoile montante du RN et conseiller de Marine Le Pen. En fait, LR disparaît de certains départements. En PACA, les derniers députés LR ne se trouvent plus que dans le seul département des Alpes-Maritimes autour d’Éric Ciotti. De même, il n’y a plus de députés LR à Paris, ce qui en dit long sur une ville où les formations « historiques » de la droite avaient des élus. Désormais, la capitale du pays est partagée entre les députés Ensemble et les députés de la NUPES, même s’il n’y a pas que des Insoumis mais aussi des écologistes EELV. Enfin, dans le Nord, il n’y a pas non plus de députés LR. Autrement dit, la présence de LR sur toute la France devient limitée. Il est loin le temps où dans chaque coin de France, il y avait au moins un élu de droite. On peut aussi formuler cette évidence : dans certains territoires, les électeurs de droite ont abandonné LR pour LREM. La logique de « vampirisation » n’a pas cessé depuis 2017 : le parti central de la Macronie continue à aspirer les électeurs de droite, alors qu’il n’a plus la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le plus inquiétant pour LR n’est pas tant la disparition que la survie sous la forme de bastions locaux. Comme le PCF qui déclinait fortement au niveau national tout en arrivant à conserver un groupe de députés à l’Assemblée nationale grâce au contrôle de quelques communes. Mais la survie peut simplement signifier inéluctablement une sortie du grand jeu politique national. Faut-il rappeler qu’après l’échec de la restauration monarchiste au cours des années 1870 il y avait encore jusque dans les années 1880 des députés monarchistes élus ? Mais ils finirent par disparaître de la scène électorale. De même, on peut rappeler qu’il y avait encore des députés du Mouvement républicain populaire (MRP) en 1958, lorsque de Gaulle fit son retour en politique. Il n’empêche que le parti finit par disparaître au fur et à mesure des scrutins. Bref, Les Républicains risquent tout simplement de vivre sous la perfusion d’ancrages locaux dus à l’existence de barons et de collectivités locales qui donnent encore un vivier d’élus de droite.

Les Républicains cessent d’être le premier groupe d’opposition au Palais Bourbon

À tous ceux qui se réjouissent de voir la droite résister, il faut quand même relever cette mutation fondamentale : Les Républicains ne sont plus le premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale. Ils sont détrônés par le RN, puis par les Insoumis. On ne saurait être aussi net dans cette rude claque qui déboulonne un groupe de son statut de premier opposant du Palais Bourbon. Ce qui se profile, c’est la disparition d’un avantage symbolique : LR ne sera plus le seul à interpeller Macron. Ils ne pourront prétendre à certaines fonctions attribuées au premier groupe d’opposition : la présidence de la commission des Finances, la Questure, etc. Au passage, on pouvait noter que les Insoumis, entre 2017 et 2022, avaient fait de leur groupe une véritable caisse de résonnance contre Macron, alors qu’ils n’étaient que 17 députés à l’Assemblée nationale et alors même que Les Républicains semblaient moins actifs sous la XVe législature… On imagine le choc avec quelques « gros » petits groupes comme LFI et le RN. En un sens, l’opposition à Macron a cessé d’être une opposition modérée : ce sont les partis de ses deux principaux concurrents à la dernière présidentielle qui donnent le plus de députés opposés à Ensemble. Ce qui, en un sens, est assez logique, car représentatif du réel rapport de force du pays.

Crises à venir

Enfin, il y a ce risque qui pointe : que feront les « miraculés » du 19 juin ? Car plusieurs pourront tirer les marrons du feu en s’attribuant le mérite de ce « sauvetage ». Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, voit 19 députés de sa région élus. Il a la main sur son territoire, même s’il n’est pas député. Quant à Éric Ciotti, il peut se féliciter de la défaite d’une proche d’Estrosi, Marine Brenier, en décochant une flèche du Parthe contre le maire de Nice, Christian Estrosi, mais aussi contre Nicolas Sarkozy. Il a ainsi fait de son département des Alpes-Maritimes la seule enclave des Républicains dans le sud de la France. Plusieurs chefs peuvent donc se considérer légitimes pour reprendre Les Républicains en invoquant un ancrage territorial, mais en tenant compte des limites que nous avions indiquées concernant la « localisation » d’un parti qui a cessé d’être une force nationale. Il y a au moins une chose acquise chez Les Républicains : l’ancien président de la République a cessé d’être une référence. Au fond, c’est surtout la culture du pouvoir qui s’éloigne des Républicains : certains élus ont certes connu les diffèrent gouvernements Fillon sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais n’ont jamais été ministres. D’autres sont justes élus depuis 2012 ou 2017, mais n’auront jamais été confrontés à une droite de gouvernement. Il en va de même pour les rares nouveaux élus du 19 juin 2022. Mais en se détachant de Sarkozy, c’est en fait le flou qui s’installe, car la question est de savoir quels sont les références de LR qui tend fatalement à être un club d’élus satisfaits de leur survie pas toujours évidente, mais toujours sans chef. Et surtout sans identité. Enfin, la position des Républicains est encore incertaine. Ils ne comptent pas s’associer à Macron, mais sans vraiment le faire, on peut redouter qu’ils deviennent une force d’appoint qui monnaiera ses voix pour tel vote lors de la discussion de tel texte. Pour conclure, on a beaucoup rapproché les résultats du scrutin du 19 juin 2022 à ceux d’une assemblée digne de la IVe République. Cela devrait aussi rappeler que certaines des formations de cette République finirent par végéter avant d’être absorbées par d’autres partis politiques quelques années plus tard…

 

Illustration : Christian Jacob, président des Républicains depuis 2019, présidant avec méthode et ténacité à l’effacement de son parti.

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