Il était une fois deux amis, Arthur le chat et Myosotis le crapaud. Arthur portait très bien son nom de roi ; il était beau, avec sa fourrure soyeuse, son corps agile, ses moustaches de mousquetaire et ses yeux bleus. Myosotis était laid ; son mufle trop fendu était une grimace, et il déplaçait en lourdaud son corps couleur de terre et couvert de pustules.
Et pourtant, aussi dissemblables qu’ils fussent, ils avaient deux choses en commun : ils veillaient la nuit et ils aimaient passionnément la lune et son clair de lune.
Seulement, le chat très beau, pour exprimer sa ferveur, ne savait que miauler affreusement et le crapaud très laid chantait merveilleusement sa note de cristal pur.
Or, un beau jour d’automne, ils décidèrent de voyager ensemble ; pour aller où ? Ils ne savaient pas, mais quelque chose les attirait ailleurs.
Ils partirent donc, et marchèrent bien longtemps, traversèrent des pays peuplés d’animaux extravagants comme les girafes et les fourmiliers, dangereux, comme les taïpans et les gypaètes barbus ; ils lièrent amitié avec Hulul le hibou, qui lui aussi aimait la lune, et avec Rully le labrador, qui adorait retourner Myosotis avec son nez, jusqu’à ce que Arthur le priât fermement d’arrêter. Ils les persuadèrent de les accompagner, si bien qu’ils furent désormais quatre à chanter sous la lune ; cela donna de beaux concerts nocturnes, avec Arthur qui miaulait, Hulul qui faisait « hou-hou », Rully qui pleurait, et Myosotis qui chantait. Arthur se désolait d’être toujours mauvais miauleur, malgré ses efforts ; Myosotis le consolait en lui disant : « sois patient, une nuit, tu trouveras une chanson belle et bien à toi… »
Ils marchèrent encore longtemps ; ils traversèrent la mer, grâce à des oies sauvages qui voulurent bien les embarquer sur leurs dos.
Arrivés de l’autre côté, après avoir dit adieu et merci à ces dames, ils continuèrent leur chemin à l’aventure.
Or, un soir, ils rencontrèrent un troupeau de moutons guidés par leurs bergers et leurs chiens : « où allez-vous ? » demandèrent les compagnons.
« Nous n’allons pas très loin, répondirent les chiens et les moutons ; nos bergers nous poussent vers l’étoile qui brille là-bas » ; en effet, un peu au-dessus de l’horizon, une étoile palpitait, belle à faire oublier tous les astres du ciel…
Alors, tout ce petit monde, bergers, troupeau, chiens, oiseau, chat et crapaud, se dirigea vers l’étoile.
À l’arrivée, ils virent, dans un abri de fortune vite aménagé pour la nuit, un bœuf et un âne, les yeux écarquillés, et des brins de paille qu’ils oubliaient de mâcher.
Et une famille : le papa debout et souriant, appuyé sur son bâton de marche, la maman, une dame très jeune et très belle, penchée gracieusement sur un tout petit fils d’homme couché dans une mangeoire qui tendait ses menottes en souriant aux nouveaux arrivants.
Tous se groupèrent autour, dirent bonsoir-bonsoir en chuchotant et en piétinant un peu ; les parents saluèrent et rendirent le bonsoir ; puis ce fut un grand silence, que soulignait un vent léger qui caressait les herbes sauvages ; et soudain, on entendit un son grave et doux, comme à bouche fermée, qui montait, descendait tout doucement, comme un chant tourné vers l’intérieur. Tout le monde était étonné, car personne encore n’avait entendu cela ; mais Myosotis, lui, avait compris ; « ça y est, se dit-il, Arthur a trouvé sa chanson belle et bien à lui : il ronronne ! »
Alors, avec Arthur qui scandait la basse, les bergers jouèrent de leurs flûtiaux, les chiens pleurèrent doucement, Hulul lança en mesure ses hou-hou, Myosotis lança ses perles de cristal, tandis que Jésus souriait de plus belle.