Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Les révélations de discriminations raciales par la duchesse de Sussex, Meghan Markle, ont fait resurgir dans certains quotidiens irlandais et écossais la question de la succession au trône dont les catholiques sont toujours exclus. Un anachronisme qui avait conduit au début de ce siècle un grand quotidien de Londres à entamer une campagne contre la famille royale d’Angleterre et à tenter de porter en vain cette affaire devant la Cour des droits de l’homme. Les Windsor ont drastiquement réformé l’acte de succession entre en 2013 et 2015. C’est en mars 2015 que la nouvelle loi de succession au trône d’Angleterre est entrée en vigueur : si un(e) catholique peut désormais épouser un membre de la maison royale, la maison royale n’autorise toujours pas un catholique à monter sur le trône, y compris les personnes converties et qui seraient successibles à la couronne. Les catholiques sont toujours exclus d’un trône dont leurs derniers représentants ont été définitivement dépossédés à la fin du XVIIe siècle lors de la Glorieuse Révolution.
Pour comprendre cette méfiance et cette animosité des protestants envers les catholiques, il faut remonter au règne d’Henri VIII Tudor (1509-1547) qui, pour les yeux d’Anne Boleyn, la dame de compagnie de son épouse Catherine d’Aragon, provoqua un schisme avec Rome. Une scission qui conduisit l’Angleterre dans une longue guerre larvée entre les deux religions et qui devait durer sur les trois siècles suivants, agrémentée de véritables persécutions contre les Irlandais et les Écossais. Avec la « Glorieuse révolution », qui chasse le dernier roi catholique, Jacques II Stuart, en 1688, le parlement s’empresse de voter l’Acte d’Établissement qui exclut une fois pour toutes les catholiques du trône. Les partisans de la monarchie catholique vont tenter à diverses reprises de récupérer leur couronne jusqu’à ce que leurs derniers espoirs s’effondrent dans la plaine de Culloden, en 1746.
Si le dernier Stuart est décédé dans la robe cardinalice en 1807, sans héritier, les jacobites continuent d’espérer encore aujourd’hui le retour de leur « roi au-delà de la mer ». Prince de Bavière, Lady Kinloss, Comte de Loudoun, Lady Child Villiers… Autant de titres et noms connus ou inconnus qui attendent patiemment, dans l’ombre du règne d’Elisabeth II, que viennent leur tour de ceindre une couronne catholique qui leur revient de droit et qui conserve encore quelques partisans au Royaume-Uni. Face aux multiples polémiques qui égratignent un peu plus chaque jour la monarchie des Windsor, l’heure de la revanche de la Rose blanche a-t-elle enfin sonné ?
Ils sont quelques milliers à attendre que le prince François de Wittelsbach fasse acte de prétention.
À 87 ans, ce prince de Bavière, que le destin et la généalogie ont choisi pour reprendre l’héritage catholique des Stuarts, incarne une légitimité qui n’a jamais cessé d’exister dans l’Angleterre hanovrienne et victorienne, cette « survivance fantomatique » comme l’avait surnommé un journal britannique en 1898. Ce qui n’avait pas empêché cette mouvance de connaître une seconde renaissance et de trouver son apogée en 1912 avec un rassemblement de 15000 personnes qui inquiéta brièvement les autorités locales. La police qui multipliait les rapports sur les activités politiques de mouvements tels que celui l’Ordre de la Rose blanche (actuellement Ordre de la couronne des Stuart) ou de la Ligue jacobite légitimiste de Grande-Bretagne et d’Irlande, qu’elle accusait de complots dont elle n’avait aucune preuve ou qu’elle fabriquait.
C’était avant que tous ne se muent en associations culturelles comme la Royal Stuart Society (and Royalist League) qui célèbre chaque année l’anniversaire de la mort du roi Charles Ier, le premier souverain dont la tête fut tranchée sur ordre du parlement en janvier 1649. Le jacobitisme survit toujours mais a peu de chance de percer au sein de la population anglaise et ne fait pas l’unanimité parmi les Écossais, divisés sur le sujet.
François de Wittelsbach est loin d’être le seul candidat au trône catholique d’Angleterre. Aux antipodes de Londres vit le descendant des derniers Plantagenêts, plus précisément de Georges (1449-1478) dont les frères Edouard IV et Richard III régnèrent successivement sur un pays ravagé par une guerre civile que l’histoire a retenue sous le nom de Guerre des Deux-Roses (1455-1487), chaque camp arborant comme emblème floral une rose, blanche pour les York et rouge pour les Lancaster/Tudor. Une menace réelle pour Henri VIII qui dut combattre à diverses reprises les partisans catholiques des Plantagenêts, qui retrouveront d’ailleurs leur influence avec Marie Tudor, la fille disgraciée d’Henry VIII, qui n’hésita pas à placer à ses côtés le cardinal Reginald Pole, un petit-fils de Georges Plantagenêt. Simon Michael Abney-Hastings est l’héritier de cette maison dont la lignée s’est poursuivie au cours des siècles et qui prendra part à divers complots contre la monarchie avant que ses prétentions ne finissent par tomber dans l’oubli. Le nom de sa famille a été révélé en 2004 grâce au documentaire Britain’s Real Monarch qui a présenté son père au grand public. L’engouement est immédiat mais le principal intéressé, un fier républicain décédé en 2012 à l’âge de 69 ans, n’entendait pas quitter la Nouvelle-Galles pour Buckingham Palace. Ici, le glamour a laissé place à la réalité, les héritiers au trône ne sont que de modestes ouvriers agricoles qui ne souhaitent pas réclamer pour autant « 500 ans de pension » à la reine Elizabeth II, au grand dam de leurs quelques partisans, des nostalgiques réunis au sein d’une association qui porte le nom de cette dynastie qui trouve ses racines en Anjou et en Aquitaine.
Et si on peut encore citer comme potentiels prétendants les archiducs d’Autriche-Este, les ducs de Buccleuch ou les ducs d’Albe, le trône catholique n’exclut pas les femmes, n’en déplaise aux tenants de la primogéniture masculine à tout prix. Après la mort d’Alice de Bourbon-Parme en 2017, princesse centenaire, elles ne sont plus que deux à pouvoir prétendre à cette couronne : Lady Caroline Child Villiers et Teresa Mary Nugent Freeman-Grenville, treizième Lady Kinloss et pair d’Écosse. Si la première est la fille d’un héros de la Seconde Guerre mondiale, la deuxième est la descendante de Catherine Grey, la sœur de Lady Jane Grey, reine de neuf jours (1554), décapitée elle aussi (anglicane, elle avait conspiré contre Marie Tudor). Or, toutes deux n’entendent rien revendiquer, préférant ignorer cette prétention dont elles font peu de cas.
Si la succession catholique au trône d’Angleterre a été depuis longtemps reléguée dans les plus belles pages fantasmées de ceux qui rejettent l’actuelle maison royale britannique, adepte d’un protestantisme trop progressiste à leurs yeux, elle continue néanmoins de faire rêver les plus romantiques des monarchistes qui imaginent encore un retour possible de cette légitimité perdue aux sons des cornemuses.
Illustration : Entre leurs choix matrimoniaux de mégères haineuses et leurs ébats sexuels douteux, les Windsor (ex-Saxe-Cobourg-Gotha) donnent envie de changer de style et de têtes.