Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Depuis que les Russes ont crié au monde : « Glasnost ! », la transparence est une valeur qui a la cote. Évidemment, dans les affaires publiques, dans le monde politique, ce n’est qu’un mot ; on glousse comme des pintades : « Transparence ! Transparence ! », mais rien ne change, on fait comme avant : des mots ! Les actes sont tout autres. On continue de poignarder dans le dos l’ami de parti qu’on pelote sur le devant de sa personne. Si on tient à être un élu au grand jour, il est indispensable de bénéficier de financements occultes. Il y a toujours des secrets d’État, le complément « d’État » étant souvent un cache pour magnifier des secrets qui n’ont rien d’État. Il y a toujours des gens qui tirent les ficelles dans l’ombre, les éminences grises se portent bien.
C’est dans la vie privée que le mythe de la transparence fait des ravages. Naguère, quand une femme trompait son mari, elle lui faisait croire qu’elle était la plus fidèle du monde alors qu’elle dissimulait son amant dans le placard ou sous le lit. Aujourd’hui, elle le tient tout de suite au courant, elle lui décrit en long, en large, en profondeur, les prouesses techniques de son partenaire. Quant à l’homme, du moment qu’il veut substituer à sa quinquagénaire* un peu blette une poulette toute fraîche, il dit à la quinquagénaire : « T’es trop moche. » Cette quinquagénaire qui, c’est vrai, s’est transformée en l’espace de quelques années, de mignonne qu’elle était, en mémère poilue et atroce, cherche à se consoler chez des amis ou des relations. Naguère, ces amis cherchaient à la rassurer en lui débitant quelques fadaises ; maintenant, ils lui crient avec indignation :
– Ce que tu as vieilli ! Ça ne m’étonne pas qu’il t’ait larguée.
– Je peux encore plaire ! » susurre timidement la quinquagénaire qui songe à se recaser.
– Eh, réplique-t-on, il y aura du boulot.
Le patron – pardon, le manager – qui en a marre d’un subalterne qu’il a trop vu et veut virer, ne cherche pas de prétextes aimables. Il dit :
Je te vire, j’ai un copain à mettre à ta place et puis j’aime pas les vieux.
C’est le triomphe d’Alceste. Seulement, Alceste, chez Molière, était malheureux, il avait tout le monde contre lui, il voulait emmener Célimène dans un désert, laquelle lui riait au nez. Aujourd’hui, Alceste est tout content, il a très bonne conscience, ce n’est pas lui qu’on taxerait d’hypocrite, il pratique la Transparence, il fonce, plus rien ne l’arrête, il écrase tout sur son passage, on l’applaudit.
* Cet âge est un hommage indirect à Yann Moix.