Civilisation
L’essence des choses
Le rond de serviette est-il de droite ? Vous vous posez cette question sans aucun doute et vous savez qu’elle est essentielle, voire existentielle.
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Le public est persuadé que les grands scientifiques détiennent la Vérité, rien que la Vérité, toute la Vérité et les scientifiques, qui sont de gentils Tournesol, suivent avec plaisir la persuasion du public. Déjà Léautaud, dans son journal des années 40, remarquait que les physiciens Paul Langevin et Jean Perrin, sous prétexte qu’ils manipulaient bien quelques équations, se mêlaient de tout, discouraient, pontifiaient et sortaient des énormités. On a eu droit ensuite au fameux Leprince-Ringuet qui, raide, guindé et solennel, débitait de larges platitudes dont il était content. Et puis à Albert Jacquard, qui voulait que la France se débarrassât de son arsenal nucléaire, ce en quoi les Américains et les Chinois s’empresseraient de l’imiter. Et ces gens-là ont fait des petits, ça pullule aujourd’hui, l’édition est encombrée par les livres produits par ces gens-là.
Pour en revenir à Jean Perrin, il prophétisait avec beaucoup d’assurance que les congés payés, l’extension des vacances allaient permettre à des tas de bonnes gens soit d’accéder à la Culture, soit, s’ils en avaient déjà une couche, de l’épaissir. Mon Dieu, qu’il avait raison, qu’il voyait juste ! On le voit bien sur nos plages où trente-six gros pépères se la coulent douce, passent le temps à se lever tard, à boire tout de suite du pastis, à se raconter des blagues salaces, à rougir sous les ardeurs de Phébus, à faire quelques secondes trempette pied-pied et quelques jeux d’éclaboussure, à reboire un ou deux coups et à se recoucher. Parfois, le pépère se transforme en Dupont-Lajoie. Cependant, sa femme, allongée, bronze, le visage protégé par le dernier livre ouvert à l’envers de Guillaume Musso. Puis le pépère doit rentrer chez lui. Il y a là une période intermédiaire où ce pépère ne sait pas encore que les vacances sont finies ; il se promène dans les supermarchés en tenue de plage, exhibant ses gros orteils, ses grosses cuisses cramoisies sous un bermuda crasseux et une chemise hawaïenne par l’entrebâillement de laquelle saillent quelques poils roussis. Il est arrogant et même un peu farouche, prend toute la place, bouscule les malheureux qui font leurs courses, jusqu’à ce que les premiers frimas survenant et le labeur l’appelant, il réacquiert son air soumis ou teigneux. Ça ne l’a pas empêché lui ou son frère de profiter du temps libre pour accomplir son devoir culturel, défiler au musée en groupe serré, regarder entre les épaules les œuvres avec une hébétude pieuse, celle des vaches qui regardent passer les cyclistes de l’autre côté des barbelés.