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Les fantômes n’aiment pas la peinture fraîche

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Les fantômes n’aiment pas la peinture fraîche

Autrefois, les maisons étaient biscornues. C’était plein de tourelles, de clochetons, d’échauguettes. On y trouvait des pièces riquiqui où il n’était même pas possible de mettre un lit. Dans les lambris de bois sombre, se dissimulaient des portes qui menaient à des couloirs tortueux de dégagement. Les escaliers étaient raides et obscurs, enfermés dans des cages où on étouffait. Les fenêtres étaient toutes petites, souvent haut placées. La nuit, le promeneur mélancolique n’y percevait qu’une grêle lumière ; il devait produire des efforts d’imagination intenses pour deviner ce qui se passait à l’intérieur. C’était, dans cet intérieur, plein de recoins, d’anfractuosités qu’un éclairage chiche laissait dans les ténèbres ; quelques lampes de chevet, quelques liseuses, un lustre étique muni d’ampoules parcimonieuses et que des courants d’air balançaient sinistrement. Ces courants d’air faisaient frémir des tapisseries usées. Les peintures étaient sombres : du noir, du marron très foncé, le caca d’oie était ce qu’il y avait de plus clair ; elles avaient cent ans, on ne les refaisait pas ou presque jamais ou alors, comme c’était dans le même ton, ça ne se voyait pas. Les familles s’y calfeutraient, s’y serraient, s’y tenaient au chaud, ou bien, pris par un besoin d’indépendance, chacun grimpait dans sa tourelle pour écouter grincer le vent.

Ces vieilles maisons n’étaient apparemment pas construites par des architectes, puisqu’on appelle maintenant maisons d’architecte ces cubes ou parallélépipèdes blancs et noirs, munis d’énormes baies, où tout est au carré. Il n’y a pas un seul recoin, on perd toujours à cache-cache car, quand celui qui, penché contre le mur, a compté jusqu’à 30 et se retourne à votre recherche, on n’a pas trouvé où se mettre. Seuls quelques placards peut-être, mais c’est très vite connu et le penché contre le mur sait où vous trouver. En revanche, les pièces sont grandes, on peut faire du patin à roulettes ou utiliser d’autres moyens de locomotion rapide autour de grande table basse de la salle de vie. C’est lumineux. C’est blanc dehors, c’est blanc dedans. Comme la peinture blanche se salit vite, on la refait tous les six mois. Comme les baies sont immenses, le passant pas mélancolique du tout voit tout ce que vous faites, les courses autour de la table, les scènes de ménage, les images sur l’écran de télévision qui mesure trois mètres de long sur un mètre cinquante de haut. Il y a plus de transparence, il y a moins de mystère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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