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Le conformisme du néant

Les nouveaux conformistes ne proposent pas seulement une pensée dominante mais une pensée annihilante : il s’agit moins de décrire le réel que de falsifier l’histoire pour empêcher toute autre pensée.

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Le conformisme du néant

Normalien, traducteur, critique de jazz, mais surtout professeur de linguistique à l’université de Bourgogne, Jean Szlamowicz écrivit en 2019 Le Sexe et la langue, dans lequel il décryptait et dénonçait l’usage de l’écriture inclusive. Que n’avait-il fait : en décembre 2019, une de ses conférences devra être annulée sous la pression de militants, étudiants et enseignants. Trois ans après, dans Les moutons de la pensée, c’est à tous les nouveaux conformismes intellectuels et à la main mise de l’idéologie woke sur les sciences sociales que s’attaque notre chercheur. 

Et ce sont de véritables manipulations qu’il dévoile dans cet excellent ouvrage, à la lecture jubilatoire tant il sait mettre à nu, au-delà de sa perversité intrinsèque, le total ridicule de ce monde dans lequel « on présente tout aboiement dénonciateur comme le dernier cri de la recherche », et dont le vocabulaire « repose sur la dénonciation morale bien plus que sa description sociale » – comme avant lui Philippe Murray, il ne peut qu’évoquer à ce sujet la multiplication des mots se terminant en « phobie ».

Notre linguiste suit ainsi avec causticité les contradictions du discours ambiant. Les femmes ne choisiraient pas certaines professions en s’en sentant exclues par leur dénomination masculine ? « Se refusent-elles vraiment à choisir la carrière de mannequin quand elles constatent que le mot est masculin ? » Faut-il dire auteur, ou autrice ? Prenons la phrase : « Colette est parmi mes auteurs préférés. » « Sans la généricité regroupante de auteur, écrit Szlamowicz on ne peut construire cet énoncé. En effet, « Colette est parmi mes autrices préférées » signifierait qu’on établit une liste différenciée selon que l’auteur est une femme ou un homme. » Et on lira, stupéfait, comment, selon certains, ce « langage du vin » que connaît bien notre professeur bourguignon peut être considéré comme typique du patriarcat, voire comme véhiculant un inquiétant racisme.

La théorie du genre ? Une « nouvelle spiritualité du sexe » dans laquelle « il n’existe plus de vie psychique, mais des « identités » qui « habitent des corps » ». Quoi de concret, quand « on ne voit pas ce que peut bien vouloir dire « se sentir femme » quand on ne l’est pas : que peut-on en savoir ? Là encore, la déclarativité rencontre les pièges du langage et de la dénomination. » De fait, comme le rappelle notre auteur, « une langue fonctionne sur la garantie implicite que chacun utilise les signes de la même manière. Si je décide que « stylo » signifie « canard laqué », cette particularité personnelle ne constitue pas un fait susceptible d’entrer dans la langue : personne ne me comprendra. »

Personne ne comprendra? Mais cela explique peut-être l’avalanche de termes abscons, car « la parole amphigourique est génératrice de pouvoir. On ne comprend pas, on est désarmé. On se retrouve soudain à la merci de celui qui, maniant les concepts impénétrables, vous met au défi de le récuser. » Voici que se renforce ainsi toujours plus « la concentration des pouvoirs dans les mains d’une caste de clercs ignorante, insouciante du vécu social réel et dont les conceptions prétendument généreuses instaurent ainsi une vision du monde pervertie par des concepts fumeux. » Et il suffit effectivement d’aller voir sur le site de l’Observatoire du décolonialisme les multiples productions des idéologues woke pour saisir l’ampleur du mouvement : à coups de fact-checking, « démenti de mauvaise foi » qui « se déclenche pour jeter le soupçon sur une idée d’avance rejetée comme non conforme », ou de révérence à une parole d’expert « que l’on aura sélectionné afin qu’il porte la parole qu’on le sait capable de produire », les métastases s’installent partout.

Rééduquer les mal-pensants

On assure ainsi une emprise et un pouvoir qui, d’ailleurs, ne sont pas qu’universitaires. « Des entreprises d’affairistes identitaires » entendent de nos jours rééduquer à prix d’or les mal-pensants – y compris au Conseil d’État ! –, et le capitalisme s’entend lui aussi fort bien avec « ces discours porteurs d’une moralité susceptible de devenir un argument marketing, un élément du clientélisme et une variable de contrôle supplémentaire de l’organisation du travail. » 

Il s’agit bel et bien, derrière cela, d’une arme de combat dirigée contre nos sociétés. « L’antiracisme, l’égalitarisme, la tolérance sont aujourd’hui, bien souvent, les faux-semblants qui habillent les professionnels de la rancœur », écrit Szlamowicz. Le racisme ? « Dans le corpus militant, c’est uniquement l’existence d’une histoire et d’une culture occidentale qui a préexisté à l’arrivée récente de population étrangère. » Et si on aime tant stigmatiser le patriarcat dans une société française où il n’existe juridiquement plus, si on aime aussi déconstruire le mythe de « la Parisienne », « les sociétés qui continuent de tenir les femmes dans une situation de sujétion, de tutelle et de contrôle radical ne sont jamais l’objet des critiques néo-féministes ». 

Comment dès lors espérer retrouver un langage commun, alors que « le culte de la minorité a ainsi construit comme horreur sociale l’idée d’une majorité » ? Comment oser encore invoquer une quelconque normalité même si, écrit notre chercheur, « mettre la marginalité au centre, c’est ne plus pouvoir rien partager et rien transmettre » ?

Et transmettre quoi ? Étudier, regarder, parcourir, découvrir quoi ? « Les nouveaux médias et les réseaux sociaux ont déjà remplacé la culture par le loisir, l’argumentation par la communication. Créateurs d’addiction consumériste, ils ont réussi à imposer l’abonnement qui s’est substitué à la possession des œuvres : beaucoup ne disposent plus d’œuvre physique, et sont désormais dépendants de ce qu’on veut bien leur montrer. » Une à une, le wokisme éteint les étoiles de notre ciel, pour que nul ne puisse plus jamais rêver.

 

Illustration : Fin 2021, le tribunal administratif de Paris avait ordonné la réintégration de Jérôme Pernoo au Conservatoire de musique de Paris, exclu sur la base d’une enquête à charge menée par Caroline De Haas en dépit du bon sens et des plus élémentaires règles d’instruction. Il était donc parfaitement normal que le Conseil d’État la choisisse trois mois plus tard pour rééduquer ses fonctionnaires – pardon, les former à l’antisexisme.

 

 Jean Szlamovicz, Les moutons de la pensée. Nouveaux conformismes idéologiques, Éditions du Cerf, Paris, 2022, 202 p., 20€

 

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