Le lointain successeur de Mustapha Kemal entend exporter son modèle « islamo-conservateur » et l’imposer à l’Europe.
Le 29 octobre 1923, la république de Turquie est proclamée et Mustafa Kemal, surnommé Atatürk, en devient le premier président. Le port du fez est interdit et les Turcs doivent s’habiller à la mode européenne.
Le port du hijab est toléré mais strictement interdit aux fonctionnaires. La polygamie est interdite et les hommes et les femmes sont égaux en droits. L’école primaire est obligatoire pour tous les enfants, garçons et filles. Elle devient mixte et laïque.
Heureusement, Recep Tayyip Erdoğan, l’actuel président, ancien élève d’une école formatrice d’imams et de prédicateurs, s’est engagé dans une voie révisionniste salutaire qui a pour objectif le rejet des acquis kémalistes.
Il reprend fièrement à son compte la citation du poète nationaliste Ziya Gökalp : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats ».
Naturellement les femmes ne sont plus les égales de l’homme. L’éducation des filles n’est plus une priorité. Le port de signes religieux dans l’administration publique est autorisé, voire même encouragé.
Il est également prévu de reconvertir le musée Sainte-Sophie en mosquée et de construire à Istanbul une mosquée plus grande que celle de La Mecque. Heureusement, l’épuration des élites militaires a été parachevée ces dernières années.
Et depuis le pseudo-coup d’État du 15 juillet 2016, des dizaines de milliers d’employés de l’armée, des médias, de l’enseignement et de la magistrature ont été licenciés. Sans compter les quelques 18 000 personnes emprisonnées et les 50 000 citoyens à qui l’on a confisqué leur passeport.
« Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l’histoire. Vous en verrez l’exemple dans l’Allemagne d’Hitler », a subtilement déclaré le grand président pour défendre le système présidentiel fort qu’il veut instaurer en Turquie.
Parallèlement, il négocie inlassablement pour l’adhésion de son pays à l’Union européenne. Et dans un grand souci de préservation de la culture ottomane, rappelle, lors d’une visite officielle à Cologne en février 2008, que, pour les Turcs d’Allemagne, « l’assimilation est un crime contre l’humanité ».
Mustapha Kemal avait importé en Turquie certaines valeurs occidentales pour raviver les décombres de l’Empire ottoman. Son lointain successeur entend exporter son modèle « islamo-conservateur » et l’imposer en Europe. Avec l’onction des États-Unis et la bienveillance de la chancelière allemande, le projet de ce génial président humaniste a de bonnes chances d’aboutir.