Je projetai un gueuleton avec deux copains. Mais que manger ? Quel menu ? Nous étions perplexes, très perplexes.
Nous avons donc décidé de tenir une réunion, en y conviant quelques voisins afin d’avoir davantage d’avis. S’y est ajouté un lointain par visioconférence. La réunion fut très vite animée, presque tumultueuse, les propositions se bousculaient, ça criait, ça hurlait, ça vociférait. Pour mieux se faire entendre, l’un d’entre nous monta sur une chaise comme le faisait Camille Desmoulins. Au bout de trois heures pétaradantes, rien n’avait été conclu, les divergences s’étaient même accrues. Finalement, comme nous étions un peu fatigués, nous votâmes à l’unanimité et choisîmes d’un commun accord une date pour une prochaine réunion sur le même sujet.
Mais entre-temps, l’un d’entre nous avait tout de même eu une bonne idée. Il suggéra de nous offrir les soins d’un cabinet de consultation (ou de consulting, comme disent les gens intelligents). Ils débarquèrent à une bonne dizaine, tant hommes que femmes et se mirent illico presto au travail. Ils firent des petits groupes de deux ou trois, chaque groupe étant « missionné » (ils parlent comme ça) pour parler l’un de nos bilans de santé, l’autre de nos goûts, le troisième de nos capacités financières. Ils fouillèrent tout : nos comptes, nos livrets médicaux, nos livres de recette ; ils pénétrèrent hardiment dans nos ordinateurs. Ils avaient l’air grave et méthodique ; ils fronçaient violemment le sourcil quand l’un d’entre nous se permettait une plaisanterie. À la fin, ayant bien pianoté sur leurs ordinateurs portables miniaturisés et les ayant connectés entre eux, ils sortirent triomphalement d’une imprimante sophistiquée un plan A, un plan B, un plan C entre lesquels nous aurons à « opérer un choix éclairé ». Une quatrième feuille sortit : c’était la facture. J’ai faim.
Illustration : Considérant ce qu’il leur restait après avoir réglé les consultants, Bernard et ses amis décidèrent d’aller boire un café, debout, au comptoir.