Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Face au terrorisme : éduquons !

Facebook Twitter Email Imprimer

Face au terrorisme : éduquons !

Éduquer c’est, du moins si l’on en croit la ministre de l’Éducation nationale, la solution. Il nous semble, quant à nous que c’est le problème.

D’abord, que l’on sache, cela fait plus d’un demi -siècle que le ministère de l’enseignement s’appelle Éducation, comment se fait-il alors que, baptisé ainsi, il a fallu attendre les drames du terrorisme islamique pour lui demander d’éduquer ? Deux solutions : ou il n’a pas éduqué voire dés éduqué, (Cf. le livre de F X. Bellamy : les Déshérités). Et si, au final, ce n’était pas son travail et qu’il fallait d’abord qu’il enseigne voire qu’il instruise ? On notera au passage que le temps dont le système va disposer pour « la grande mobilisation pour les valeurs de la République » c’est cela de moins pour la formation. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec la campagne du grand bond en avant en Chine communiste, le résultat fut que les paysans, occupés par la propagande, négligèrent leurs champs, bilan : 25 millions de morts. Aujourd’hui ce sera, pour les écoliers de France, plus d’ignorance, plus d’agitation vaine… la famine morale et intellectuelle et la fuite vers le privé !

Depuis quarante ans, l’Éducation nationale – le qualificatif de national lui fut rajouté par Mitterrand après que Giscard l’avait supprimé – est censée lutter contre l’incivisme, ou l’incivilité, puis ce furent, ensuite les sauvageons, les territoires perdus de la République, aujourd’hui le fondamentalisme, le terrorisme, on aura noté la progression qui n’est pas que sémantique. On serait curieux de connaître le parcours scolaire des frères Kouachi ou de Coulibaly. Mais alors quid de l’éducation civique (ou instruction civique), oui ou non est-elle enseignée? Officiellement elle n’a pas disparu des programmes. Tous les ans, dès la survenue d’un problème, on nous refait le coup du, « Il faut les rééduquer ! » Outre que la formule a un petit parfum de laogaï, qui ne voit que cette fébrilité à agir n’est pas un commencement mais un aboutissement, le énième épisode d’une longue impuissance que les réactions aux évènements actuels n’enrayeront pas ?

« Éduquer les enseignants à la laïcité. »

La ministre annonce un plan exceptionnel de « formation continue des enseignants et des personnels d’éducation pour aborder les questions relatives à la citoyenneté, à la laïcité, la lutte contre les préjugés ».

Sur la citoyenneté, voila un objet d’instruction civique acceptable, le corpus ancien d’instruction civique y suffit largement, pourquoi n’est-il plus enseigné, à moins, à moins qu’il ne soit pas retenu, comme beaucoup d’autres savoirs, mais passons, nous sommes encore dans le raisonnable ! La laïcité est un corpus beaucoup plus délicat. Disons que si celle-ci se ramène à la neutralité de l’enseignant, il fut une époque où elle allait de soi et, très attaché au savoir, le professeur disposait aussi quasi naturellement du discernement suffisant pour que l’impératif de la connaissance occupe, en quelque sorte, tout le champ de sa vocation et de son enseignement. Si maintenant la laïcité est un corpus idéologique, une machine de guerre contre les religions, ce qu’elle a été contre le catholicisme, la chose sera beaucoup plus difficile, mais si la laïcité c’est enseigner une religion qui ne dit pas son nom, il faudra l’appeler par son nom : le catéchisme républicain.

Quant aux enseignants, il est prévu, dans leur recrutement, de les juger sur leurs : « capacités à expliquer et à faire partager les valeurs de la République ». Ce qui signifie, ni plus ni moins, le contrôle idéologique des candidats. En réalité c’est déjà fait puisqu’au CAPES, en histoire et en sciences humaines, depuis 20 déjà, des épreuves, hors matière universitaires, contrôlent déjà la conformité idéologique des impétrants, il y a belle lurette que ces derniers ne sont plus recrutés sur des critères exclusivement universitaires. La ministre vient donc d’inventer l’eau-chaude ! Et la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » ne sera qu’agitation stérile et coup d’épée dans l’eau !

« Parcours citoyen de l’élémentaire à la terminale », un jeu de l’oie républicain ?

On nous annonce que ce parcours sera construit autour « d’un nouvel enseignement moral et civique », excusez du peu, une nouvelle morale ou une morale tout court, voire l’ancienne puisqu’à vrai dire il n’y en avait plus ! Et quelle morale ? 300 heures pour lutter contre le racisme, ah bon nous avions cru comprendre qu’on ne cessait de lutter contre, avec des lois et tout un corpus dénommé antiraciste, tout çà n’était donc que de la roupie de sansonnet ? Lutte contre les préjugés et les discriminations, fort bien mais lesquels ? La discrimination à l’égard des jeunes filles et des professeurs féminins, le point de vue de l’autre, qui n’est pas d’accord avec moi, est-il un préjugé ?

Najat Vallaud-Belkacem propose aussi « une éducation aux médias et à l’information » voila qui est intéressant, mais nous serions tentés de conseiller au ministre de faire aussi l’éducation des médias au pluralisme, à l’indépendance et au respect des consciences et des bonnes mœurs (cf. Canal +). Et celle-ci d’ajouter qu’elle souhaite faire enseigner « le jugement, l’argumentation, le débat ». Vaste programme ! Tous les débats, Madame le ministre ? Les tabous de la République peuvent-il être évoqués – ils sont légions – et au final, est-ce qu’une bonne formation sur le fond n’est pas, en soi, une manière de former son jugement ? Ainsi faites nous un bon enseignement, nous vous ferons de bons citoyens. Point ne sera alors nécessaire de « surveiller des comportements mettant en cause les valeurs de la République ». Là, nous sommes sur un morceau de choix : quelles sont ces valeurs ? On aura remarqué que l’étiquette a beaucoup servi mais quid de la marchandise ? Qu’on nous dise enfin quelles sont ces valeurs ! Sont-elles celles de Charlie-hebdo pour laquelle vous êtes descendue dans la rue madame la ministre ? Le problème c’est que la rédaction de Charlie n’en avait aucune et affichait clairement son choix de n’en avoir aucune, pas plus celles des religions que celles de la vôtre que vous appelez républicaine !

Non, décidément, votre effort est pitoyable et voué à l’échec parce qu’il ne saisit pas sont objet central. Comment l’école est-elle devenue cette machine molle qui n’avait plus d’autre objet : « qu’enseigner la jeunesse au jeunes » selon l’heureuse formule de Finkielkraut, l’école devenue pour la France, ce lieu de déconstruction généralisée, de laxisme, de critique de l’effort et de l’abnégation, et de détestation de soi-même? La gauche, dans cette affaire, récolte la tempête d’un vent qu’elle a semé, elle qui portait au pinacle le « déconstructeur » en chef, Michel Foucault professeur au Collège de France (Surveiller et punir, 1975, Gallimard), elle se voit contrainte de surveiller et punir à son tour, ruse singulière de l’histoire et épisode, hélas tragique, de l’arroseur arrosé. C’est à une refondation complète du système éducatif qu’invite le constat et non à un replâtrage à forte connotation idéologique qui laissera l’école telle qu’en elle-même : un vaste champ de ruine.

Morte l’école, morte la République

Celle-ci veut sauver l’école pour se sauver elle-même, car morte l’école, morte la République ! L’école, jusqu’en 1960, exerçait un magistère, elle forgeait les mots et les concepts de la République moins comme régime que comme chose publique, mais l’école est morte, elle n’assure plus sa mission et la tentative calamiteuse de restauration ressemble fâcheusement à une opération de survie ! Survie d’un système étrillé de toute part par les communautarismes, la mondialisation, la perte de souveraineté, le désordre des mœurs, la subversion des valeurs, l’immigration de masse et au final la crise économique comme cause ultime mais, certes pas première, comme les derniers dinosaures marxistes veulent nous le faire croire.

L’école dans une nation est, comme la nation elle-même, le résultat d’une alchimie très complexe, le secret s’en est perdu et les ministres s’essayent en vain dans une démarche pathétique à retrouver la pierre philosophale. Mais chacun sait que les faiseurs d’or ne sont que des charlatans.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés