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De la pénalisation des opinions

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Sujet à polémique, le projet de loi sur le renseignement rencontre une vive opposition au sein de la société civile. Politique magazine a voulu donner la parole à ceux qui le jugent liberticide.

La loi sur le renseignement n’a rien d’une loi anodine. Elle est un changement radical de paradigme. Jusqu’à présent, la mission de la justice et de la police était de protéger le citoyen. Avec la loi sur le renseignement, la méthode est toute autre : comme il faudra ratisser large et agir vite, ce ne sera plus au juge de demander l’écoute d’un suspect mais à la police, qui pourra écouter tout le monde pour en trouver un.

Nous sommes passés d’une logique de paix civile à une logique de guerre : il s’agit, ni plus ni moins, de neutraliser un maximum d’ennemis potentiels, quel qu’en soit le prix. La fin – la condamnation des hors-la-loi – justifie le moyen – une surveillance de masse.

Depuis son passage au Sénat, le texte entend ainsi protéger « la forme républicaine des institutions »… Mais qui la menace ? L’abstentionniste, qui n’accomplit pas son « devoir civique » ? Les monarchistes, aux idées pacifiques, mais opposés au régime républicain ? Et doit-on considérer que le gréviste nuit « aux intérêts économiques de la France » ? Et l’eurosceptique ? Potentiellement sur écoute aussi, car nuisible aux « intérêts de politique étrangère de la France »… Et son antagoniste, l’europhile ? Suspect lui aussi puisque le texte prétend protéger « l’indépendance de la France ».

La liste des coupables est longue, presque illimitée. Sur un sujet comme l’environnement, elle va par exemple du climato-sceptique, qui nuit aux « engagements internationaux » de notre pays sur les émissions de gaz à effet de serre, jusqu’au militant anti-OGM qui, lui, va à l’encontre de ses intérêts économiques et scientifiques.

En réalité, la question n’est même pas de savoir si vous êtes susceptible d’être écouté tant il est absolument certain qu’au moins une de vos opinions entre en opposition avec la loi… La véritable interrogation est celle-ci : qu’avez-vous à craindre du fait qu’on vous écoute ?
Peut-être, vous dites-vous qu’après tout, « si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à craindre ». Faux ! Qu’en savez-vous légalement ? Rien, même si vous pouvez avoir la certitude de violer l’un ou l’autre des 8 000 lois et 110 000 décrets qui sont actuellement en vigueur en France. Du coup, les seules questions sont de savoir jusqu’à quel point vous êtes en faute et quel alinéa vous signale comme suspect…

La loi sur le renseignement légalisera – et donc légitimera – le fait de traiter les gens différemment selon leurs opinions. Avoir les mauvaises idées au mauvais moment exposera désormais à des ennuis judiciaires, c’est inévitable. Quant à la lutte contre le terrorisme, qui la justifie, elle est un prétexte à l’avènement d’un véritable régime policier.

Benjamin Franklin avait prévenu : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une, ni l’autre, et finit par perdre les deux ». Nous sommes déjà perdants.

Jean Level, coordonnateur local pour European students for liberty

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