Le matin des abrutis, les Mémoires d’un snobé, L’arche de Mésalliance portaient déjà les marques de ce style aussi souverain que subtilement caustique dont notre époque, qui ne connaît que la grossière polémique, aurait bien besoin pour aiguiser et équilibrer ses jugements. Cette intention pédagogique qui s’efface avec politesse sous les apparences d’une habile socio-psychologie, est présente à tous les coins de page de l’œuvre de Marin de Viry. Comme encore dans Le Monde des Périls et – on s’en souvient dans nos milieux – dans Un roi immédiatement, avec une sorte d’éclat de rire, évidemment sagement contenu en réflexion de la plus haute pertinence, comme il convient en politique tant l’absurdité y est prégnante.

Le continent masculin qui vient d’être publié aux éditions du Rocher, est de cette veine. Le rire se cache ici sous le sourire, c’est bien le cas de le dire. Des idylles qui se croisent, s’essayent, se jouent, se défient, s’irritent, se caressent, se titillent, voire s’abrutissent et s’ennuient au point de s’obscurcir, pour enfin s’éclaircir, se dénouer, s’assagir et retrouver en quelque sorte l’ordre immuable de la sexualité la plus convenable, de l’amour le plus assuré historiquement et socialement, surtout humainement, au-delà des caprices individuels et des ambitions malsaines. Telle est la texture de ce dernier roman façonné à la Viry, d’une écriture fine et agréable, sans thèse pesante, qui dit mille choses d’une vérité criante mais où le cri se perd dans l’amusement talentueux de l’aventure racontée.

Marin de Viry Le continent masculin, Éditions du Rocher, 235 p., 19,90 €