Géopoliticien, journaliste, grand reporter, Renaud Girard tient, chaque mardi, la chronique de politique étrangère du Figaro. Dans l’entretien qui suit, il évoque le retour des nations, les nouvelles donnes de la diplomatie mondiale et définit une direction pour la politique étrangère de la France : réalisme et multilatéralisme.
Les élections sont désormais dominées de près ou de loin par les populistes. D’une façon générale les thèmes protectionnistes, souverainistes et nationalistes ont le vent en poupe. Peut-on parler d’un retour des peuples pour utiliser une expression qui fait florès ?
Le nationalisme a toujours existé même s’il s’exprime avec plus ou moins d’intensité en fonction des époques. La nôtre est indéniablement marquée par une résurgence forte des sentiments nationaux. Mais il faut s’entendre sur les mots. Le Brexit ne traduit pas, comme on l’entend parfois, une volonté du peuple britannique de restaurer son empire. Il n’est que le résultat d’une pitoyable manœuvre politicienne du Premier ministre, David Cameron, pour tenter d’accroître son emprise sur le parti conservateur. Certes, le peuple britannique s’est exprimé, mais au prix d’une trahison de son histoire politique.
Je vous rappelle qu’en Angleterre, la démocratie est représentative depuis Jean sans Terre ! Les référendums populaires n’ont pas la même légitimité que dans d’autres pays, la France par exemple, héritière d’une tradition plébiscitaire. D’ailleurs, par un singulier retour de bâton, l’unité du Royaume-Uni se trouve compromise puisque les écossais ont fait savoir qu’ils ne se sentaient pas concernés. Cerise sur le gâteau, la Cour suprême vient d’estimer que le Parlement doit donner son accord pour que le gouvernement lance les négociations de sortie de l’Union européenne… Bravo David Cameron !
Le Brexit n’est-il pas tout de même représentatif du rejet de l’Europe qui s’exprime d’un bout à l’autre du continent ?
Certainement, mais gardons-nous des généralisations abusives. Ce rejet de l’Europe dont vous parlez est, somme toute, plutôt récent. Il s’est formé de toute une série d’échecs imputables aux institutions européennes : impuissance à appliquer la stratégie de Lisbonne, fixée en mars 2000, dont l’objectif était, je cite, de faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » ; impuissance à réagir à la crise financière de 2008 ; incapacité à établir des règles commerciales équitables avec la Chine ; incapacité à harmoniser les législations fiscales, budgétaires et sociales pour offrir un cadre viable à la monnaie unique… L’Europe n’ayant jamais su faire front commun, la confiance qu’elle inspirait jusqu’au début des années 2000 a été détruite.
Elle s’est encore dramatiquement divisée au moment de l’invasion américaine de l’Irak. La politique extérieure commune a explosé. Une question cependant : pourquoi faire front commun si on vous dénie le droit de vous inscrire dans une réalité historique ? Le refus d’assumer son identité chrétienne, que l’on doit malheureusement à la France de Jacques Chirac, a créé un malaise existentiel qui n’a jamais pu être surmonté… IL RESTE 80% DE CET ARTICLE A LIRE…