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Ivan Rioufol : « Une révolution des oeillères »

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Ivan Rioufol : « Une révolution des oeillères »

Figure des « réacs » médiatiques, l’écrivain et éditorialiste Ivan Rioufol ausculte régulièrement la société française. Pour lui, les élites politiques sont complètement dépassées par cette « insurrection civique » et devraient écouter ce que les Français ont à leur dire. Au risque d’une situation qui pourrait dégénérer.

Les idées de « droite » sont plus en vogue qu’elles ne l’étaient. Cette évolution est-elle une explication à la multiplication des mouvements citoyens conservateurs ou libéraux ?

La meilleure libération de la parole, ce sont les faits ! Trente ans d’alternance PS/UMP ont donné les résultats que l’on connaît, avec une France qui s’est affaiblie sur tous les plans, tant économiquement que moralement. Aussi les Français ont-ils appris à juger l’arbre aux fruits qu’il produit. Aujourd’hui pragmatiques, ils sont décidés à prendre leur destin en main. Mieux qu’un virage à droite, je dirais plutôt que nous assistons à une « révolution des œillères » : les citoyens entendent dorénavant désigner aux hommes politiques les véritables problèmes, sans se soucier de politiquement correct.

Cette résurgence d’idées qui n’avaient pas le droit de cité dans l’espace public se fait sur des questions précises, comme la fiscalité ou les lois sociétales. Mais rarement sur les questions identitaires. Comment l’expliquez-vous ?

Même s’ils ne soulèvent pas directement les questions liées à l’identité ou à l’immigration, ces mouvements défendent une certaine conception de la civilisation. La Manif pour tous – sur la question du mariage homosexuel et de la filiation – ou les Bonnets rouges – par leurs revendications régionalistes – en sont une excellente illustration. De façon détournée, les questions identitaires sont ainsi mises sur la table.

La multiplication de ces mouvements est-elle due au contexte politique actuel ou signale-t-elle plus largement un épuisement de nos institutions ?

Les politiques, comme les médias d’ailleurs, sont dépassés par cette insurrection civique. Il ne suffit plus de lui jeter à la face la qualification infamante de « populiste » pour la faire cesser d’exister. Précisément, c’est aussi contre trente ans de « politiquement correct » étouffant qu’elle se lève aujourd’hui. Attention au retour de bâton. A force de faire la sourde oreille et de donner le sentiment de mépriser des revendications légitimes, le monde politique porte la responsabilité d’une situation qui pourrait dégénérer.

Sur votre blog, vous avez pointé le danger d’un mouvement comme Jour de colère coupable d’attirer les extrémistes. Pour se faire entendre, un mouvement issu de la société civile doit-il nécessairement se montrer consensuel ?

S’ils ne sont pas canalisés, ces mouvements citoyens n’ont aucune chance de se faire entendre. On pouvait craindre des débordements lors des Manif pour tous, ce qu’espérait visiblement le pouvoir en place. Mais, aucun dérapage n’ayant été observé, le mouvement a été respecté par l’opinion publique. Cela n’a pas été le cas de Jour de Colère. Certains éléments sujets à caution s’y sont agrégés – les partisans de Dieudonné ou ceux d’Alain Soral par exemple – ce qui l’a décrédibilisé. Ces mouvements doivent éviter à tout prix les dérapages qui, en les caricaturant, les rendent inaudibles. Je pense en particulier aux slogans racistes entendus lors de Jour de colère. Dénoncer le politiquement correct est une chose mais l’antisémitisme est inacceptable.

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