Décédé d’une crise cardiaque le 19 août, Emmanuel Ratier avait accordé un entretien à Politique magazine pour son numéro de juin. C’était la dernière fois qu’il s’exprimait publiquement.
Il est l’un des plus fins connaisseurs du monde politique français. Sa lettre bi-mensuelle, Faits & Documents, s’arrache au ministère de l’Intérieur. Ses livres sur le club Le Siècle ou sur le Premier ministre Manuel Valls ont rencontré le succès. Rencontre avec Emmanuel Ratier, l’homme qui a « des milliers de noms dans la tête ».
Avez-vous eu des ennuis après la publication du Vrai visage de Manuel Valls (éd. Facta – 2014) ?
La sœur du premier ministre a annoncé qu’elle porterait plainte. Ca ne m’aurait pas dérangé car toutes mes informations sont sourcées. Je l’attends encore… J’ai eu plus de difficultés quand j’ai sorti en 1995 mon livre sur le Siècle, club qui était méconnu à l’époque. Leurs responsables m’avaient alors adressé une lettre annonçant qu’ils saisiraient l’ouvrage avant sa parution. Ils ne l’ont pas fait. Mais j’ai subi juste après un contrôle fiscal de onze mois et demi ; une source sûre m’a assuré qu’il était lié à cette publication. Le livre sur le Siècle est sans doute mon enquête la plus importante. On est là en présence d’un des principaux centres du pouvoir en France. C’est une association extrêmement bien verrouillée qui se renouvelle depuis plus de cinquante ans.
Votre librairie, Facta, a été récemment vandalisée à deux reprises…
Oui, en 2013 et en 2014. L’une des attaques s’est faite de jour, en marge d’une manifestation d’antifas. C’était le fait de milices d’extrême-gauche, et leurs membres sont connus par les services de police. Pour différentes raisons, ils ont laissé faire.
En dix-huit ans de Faits & Documents, vous n’avez jamais été attaqué en justice par le milieu politique. Comment réunissez-vous autant d’informations fiables ?
J’accumule du matériel documentaire depuis quarante ans. Après avoir été à Sciences-Po et au centre de formation des journalistes dans les années 70, j’ai travaillé à Valeurs actuelles et à Magazine hebdo où je me suis très vite spécialisé dans la politique, puis à Minute. Tout ça, c’était avant internet, qui permet – si l’on sait bien chercher – de réunir un grand nombre d’informations. En outre, je lis la plupart des publications nationales ou des lettres spécialisées. J’archive énormément. C’est un travail de chien, mais il est essentiel d’avoir une bonne base documentaire, en particulier les informations à caractère biographique. Il est ainsi plus facile de savoir associer les petits faits et de reconstituer le puzzle. J’ai des milliers de noms dans la tête.
Vos études montrent que les politiques se pressent pour intervenir aux diners du Crif ou aux conférences publiques de la franc-maçonnerie. Comment expliquez-vous cette sur-représensation des communautés juive et franc-maçonne aux plus hauts niveaux du pouvoir ?
Difficile de s’exprimer sans être condamné… Pour la franc-maçonnerie, cela varie selon les obédiences. Mais il semble que ces courants constituent davantage des relais locaux et d’affaires que des pôles d’influence réellement politiques à haut niveau. On se fait surtout de grosses illusions en pensant que ce sont des Français qui contrôlent la France. Dans les faits, ce sont des fonds étrangers qui tiennent la plupart de nos grandes entreprises et les milieux politiques à Bruxelles qui font nos lois.
Photo : la librairie Facta.
Ses principaux livres :
- Encyclopédie politique française (éd. Faits&Documents – 1992 et 2005)
- Encyclopédie des changements de noms, tome 3 (éd. Faits&Documents – 2014)
- Le Siècle, le club le plus puissant de France (éd. Facta – mise à jour 2015)
- Le vrai visage de Manuel Valls (éd. Facta – 2014)