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A bientôt, Michel

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A bientôt, Michel

A force d’être partout, Michel Onfray devait bien finir par se retrouver sur Polonium, l’émission rétro-kitsch animée par Natacha Polony sur Paris première. C’était vendredi. Le philosophe était reçu par la journaliste pour discuter, notamment, de son interview-choc accordée au Point. Un entretien au titre provocateur – « La France doit cesser sa politique islamophobe » – qui a, naturellement, fait couler beaucoup d’encre dans les médias et provoquer des hurlements d’indignations aux politiques de gauche et de droite.

Il faut dire que Michel Onfay ne donne pas dans le lacrymal. Les commémorations post-attentats ? Très peu pour lui. «  Il aurait fallu que j’allume des bougies, que je dépose des fleurs ou que je fasse un selfie effondré ? », demande-t-il à Natacha Polony. On ne n’a lui fait pas, à Michel. Le philosophe se doit de rester au-dessus de la mêlée, de réfléchir aux causes profondes des événements et au sens caché des choses. De ces attentats, il tire une conclusion puissante et d’une acuité rare, que seul un philosophe de son niveau, évidemment, peut atteindre : « La France récolte ce qu’elle a semé internationalement. » Tremblement de terre sur la géopolitique. Flattée d’être la témoin privilégiée d’une telle pensée, Natacha Polony se hisse à son tour sur les cimes atteintes par le philosophe. Elle réplique, en agitant son index pour mieux marquer son impérieuse cadence: «  Vous ne dites pas seulement ça, vous dites que la France mène une politique islamophobe et je ne comprends pas l’usage de ce terme ». Michel Onfray convoque alors l’histoire, en rappelant que François Hollande a rompu, comme Mitterrand avant lui, avec la tradition pacifiste de la gauche.

Connaissant les opinions de son hôte, il glisse astucieusement le nom de Jean-Pierre Chevènement. Hochement de tête complice de Natacha Polony… qui ne se laisse pas avoir aussi facilement. Elle veut sa réponse sur l’emploi du terme « islamophobe ». Le philosophe esquive, mais finit par se rendre compte que, quand même, elle est coriace, Natacha. Alors, après l’histoire, il invite Huntington dans la conversation. Et la journaliste confesse qu’elle a un peu de mal avec sa théorie du choc des civilisations qui sous-tend une forme de déterminisme religieux sur le culturel et le politique. Pour elle, le monde arabo-musulman ne se définit pas par l’islam, comme l’Europe ne peut l’être par le christianisme. Moue de désapprobation de Michel Onfray.

Pas convaincu par cette lecture de l’histoire, il avance ses idées sur la bonne marche à suivre en matière de diplomatie. Puisque la guerre ne fonctionne pas, à l’évidence, le philosophe propose de négocier avec le calife Ibrahim, présenté comme le chef de Daech. Stupeur. Natacha redouble de mouvements de mains et de bras, de jolis petits moulinets, pour faire avancer son raisonnement. Pour elle, cette idée n’a que peu de chance d’aboutir. Ca n’effraie visiblement pas Michel qui est, de toute manière, en totale roue libre. C’est un flot ininterrompu de phrases qui sort de sa bouche. Une diction et un rythme parfaits : le flow  forcerait l’admiration des rappeurs.

La journaliste lui fait remarquer, d’ailleurs, qu’il est très présent dans les médias et les réseaux sociaux, qu’il réagit vite. Le philosophe le reconnaît. Il confesse intervenir peut-être trop souvent. C’est qu’il ne supporte pas l’injustice, Michel. Depuis son enfance, dont il ne veut pas parler mais qu’il rappelle malgré tout, il cherche à la combattre, partout où elle se trouve. Natacha lui demande alors : « Vous êtes toujours le petit garçon qui ne supporte pas l’injustice ? » L’émotion, qu’il cherchait à fuir, lui revient en pleine figure. Sa voix devient chevrotante. Il réajuste même ses lunettes pour évoquer son passé et sa jeunesse difficile. L’interview s’achève sur le rappel de son conte philosophique, illustré par Mylène Farmer, et qualifié par Libération de « gloubiboulga mystico-nordique ». Le laissant au bar, la journaliste s’en va questionner d’autres invités. Il faut dire qu’il est déjà tard et que Michel passe chez Ardisson, sur Canal +, le lendemain. Emission dans laquelle il se fera méchamment tancer dans la chronique de Stéphane Guillon. L’injustice de trop. Ce matin, le philosophe annonçait son retrait du paysage médiatique. Dommage.

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