Le 16 mai 1916, les accords Sykes-Picot sont signés entre Britanniques et Français, dépeçant l’Empire ottoman. Un siècle plus tard, la région est plongée dans le chaos, posant la question des frontières.
Les accords Sykes-Picot ont instauré des frontières artificielles, faisant fi des diversités ethniques et religieuses des populations, et notamment des kurdes présents en Turquie, en Syrie et en Iran, ainsi qu’en Irak, bien sûr, où ils ont le plus de chances de pouvoir s’ériger en état indépendant. Une « balkanisation » du Moyen-Orient, dont Daech a été l’agent en voulant y établir un califat et en finir avec « le complot occidental ». Mais l’intervention insensée des Américains en 2003 y a aussi beaucoup contribué. Les Kurdes sont un peuple indo-européen islamisé et sunnite ; la revendication d’un État Kurde a son pendant du côté palestinien et fera donc jurisprudence dans tout le Moyen-Orient. Les puissances voisines, Israël et la Turquie en particulier, goûtent très peu ces irrédentismes. Si Israël soutien les Kurdes, ce n’est que pour mieux faire exploser les puissances adverses. La presse turque se déchaîne contre Massoud Barzani, l’homme du référendum. « Nous allons fermer la frontière », menace Abdulkadir Selvi, l’éditorialiste du quotidien Hurriyet, proche des islamo-conservateurs au pouvoir à Ankara. Le problème pour Erdogan est que Barzani, avec son PDK, constitue un contrepoids à l’influence du PKK dans la région. Ah, l’Orient compliqué ! Fermer la frontière risquerait de lui faire perdre l’appui des députés kurdes de son propre parti (AKP). Mais, surtout, la Turquie est l’unique voie d’acheminement du pétrole vendu par les Kurdes en contournant le pouvoir central de Bagdad. 85 % de la production pétrolière du Kurdistan (quelque 550 000 barils par jour) s’écoule par un oléoduc qui traverse le sud-est de la Turquie jusqu’au terminal de Ceyhan sur la Méditerranée. Quant à la Russie favorable au référendum kurde, elle achète aussi du pétrole kurde par la compagnie Rosneft dirigée par un proche de Poutine. Ce dernier devrait se rendre à Ankara prochainement. Un siècle après l’accord Sykes-Picot, la diplomatie locale sent toujours le pétrole.