Au moment, où j’écris ces lignes, nous ne savons pas si les plans proposés de désescalade entre le Liban et Israël auront des lendemains positifs. La multiplication des acteurs intéressés par les conséquences du conflit, la désespérance des populations et les inextricables arcanes de la vie politique du pays du Cèdre comme de Tel Aviv ajoutent leurs obstacles à la recherche de la paix.
Et puis, finalement, que pouvons-nous encore pour la paix au Levant ? Quelles leçons pouvons-nous offrir après que la République française a abandonné les chrétiens libanais entre 1975 et 1990, concourant à l’établissement les prodromes des crises actuelles ? Qui parle dans les médias hexagonaux des déficiences des accords de Taëf pour plonger aux racines de la montée en puissance du Hezbollah ? Qui se souvient des positions labiles du chef de l’État au sujet de Beyrouth ?
Bien peu de monde. Le débat public français, et notamment à droite, est saturé de positions affligeantes, les uns excusant par principe toutes les actions de Tsahal, les autres éprouvant une attraction perverse pour la force du parti de Dieu.
Je discutais récemment avec une jeune journaliste d’une chaîne particulièrement en vue qui s’étonnait qu’on puisse tenir un discours encore critique sur la conduite de la guerre de Benjamin Netanyahu. Elle n’avait jamais entendu cela dans les couloirs de son employeur. Comme si le poison politique seriné par un Jean-Luc Mélenchon ayant préféré Rima Hassan à Andréa Kotarac avait déclenché une déstabilisation immunitaire de la droite française, incapable d’esprit critique sur la conduite de la guerre israélienne.
Il est pourtant patent qu’en Palestine comme au Liban le gouvernement israélien poursuit une stratégie maximaliste faisant trop peu de cas des victimes civiles et des conséquences à long terme de son action. Pour certains, il ne peut en aller autrement pour faire face aux stratégies d’enfouissement et à l’utilisation des populations civiles comme boucliers humains. C’est faire bien peu de cas des remontrances répétées de nombreux chefs d’États occidentaux, France et États-Unis en tête, devant les bombardements et les vies brisées par leur déluge de feu.
Une remise en cause des politiques occidentales
Après avoir longuement reproché à la gauche d’importer le conflit israélo-palestinien au cœur de notre société, voilà que la droite lui cède, actant par son déséquilibre, et parfois jusqu’à son inhumanité, le triomphe de la stratégie de son adversaire. On lit même en quelques endroits qu’Emmanuel Macron appartiendrait à la communauté des antisémites résiduels, qu’il serait un sbire des mollahs, et autres inepties. L’Élysée n’a pourtant rien d’un souk à keffieh, et la diplomatie française n’est pas un repaire de groupies d’Hassan Nasrallah. Le cours des évènements en Palestine comme au Liban ne peut simplement pas satisfaire ceux qui espèrent pour la région une halte durable des violences.
Ces négociations intègreront, si elles sont autre chose qu’une nouvelle glaciation irresponsable des enjeux, des équilibres régionaux qui ne sont pas solubles dans une guerre de civilisation qui n’aura comme conséquence que la vie en armes sans fin pour toute la région. Or comment imaginer qu’elles pourront avancer sans une remise en cause des politiques occidentales elles-mêmes, vis-à-vis de la Syrie, de la Turquie et de l’Irak ? Nous sommes loin de la projection obscène d’une volonté de casser la gueule aux mondes arabes, perses et levantins qui tient lieu de boussole géopolitique à de trop nombreux commentateurs médiatiques, lesquels ne manqueront pas de regretter les immanquables conséquences migratoires de leurs saillies.
Alors que des otages croupissent encore dans les caves odieuses des barbares du Hamas, que des familles entières, de Palestine et du Liban, vivent dans l’angoisse de la dévastation et de la mort, que des milliers de familles du Nord d’Israël ne peuvent habiter leurs foyers, le premier effort bénéfique à la paix que peuvent consentir les Français, revient à déciller leurs regards sur l’horreur qui se joue maintenant en Terre Sainte, et à recouvrer la dignité dont ils n’auraient jamais dû se départir pour évoquer ce drame.