Le vendredi 10 septembre 2021, Najib Mikati, Premier ministre désigné du Liban, annonçait une nouvelle que beaucoup d’observateurs n’espéraient plus depuis le 4 août 2020 : il était parvenu à former un gouvernement. Il est vrai qu’après des mois d’imprécations internationales sur le renouvèlement de la classe politique du pays, ce n’est pas la nouveauté qui impressionne dans cette nouvelle sélection.
Ce gouvernement existe après avoir été réclamé par tous les États, toutes les institutions internationales, dont le FMI, dont la fin des facilités pour le Liban avait grandement aggravé la crise économique dans le pays. C’est peu dire que l’équipe désignée ne reçoit pas les louanges d’une large partie des Libanais. Ainsi, Samy Gemayel, chef des Kataëb, a déclaré que ce « n’était pas un tournant politique » et que « le véritable tournant politique sera aux mains des Libanais en mai », date des prochaines élections législatives.
Depuis le mois d’octobre 2019, les Kataëb sont en pointe dans la participation aux manifestations exigeant la refondation de la vie politique libanaise et épousant une série de demandes sur l’assainissement des pratiques financières dans le pays. De nombreuses autres personnalités de renom expriment cet avis.
De nombreuses autres rappellent cependant des éléments qu’il ne faudra pas oublier. Le respect absolu de la souveraineté du Liban, condition sine qua non à la restauration d’un minimum de confiance entre les camps politiques, doit obliger l’ensemble des observateurs. Rien n’est plus ridicule ou contreproductif pour l’harmonie politique du pays que le concours de réclamations de sanctions internationales contre ses adversaires. Si l’avenir du Liban se décidait unilatéralement à Téhéran ou à Washington, aucun observateur raisonnable n’aurait d’espoir réel dans l’avenir de la solution politique.
Manipulations monétaires
Les manipulations monétaires, l’asphyxie du pays par les mécanismes de sanction pour pilonner l’économie syrienne, l’installation de plus d’un million de réfugiés syriens, quasiment exclusivement de confession sunnite dans le pays, ne peuvent être que des facteurs de déstabilisation de la société libanaise. Il appartient aux seuls Libanais de désigner les responsabilités, de « dégager » ceux qui doivent l’être, de faire appliquer les exigences de désarmement inscrites dans les accords de Taef. C’est eux, et eux seuls, qui doivent être les acteurs de cette refondation. Les partis chrétiens (Courant Patriotique Libre de Michel Aoun, Forces Libanaises de Samir Geagea, et Kataëb) semblent d’ailleurs s’accorder pour exiger le maintien du vote des Libanais de la diaspora qui serait actuellement contesté.
Le Patriarche maronite Béchara Raï déclarait quant à lui, après la formation du nouveau gouvernement, que « le gouvernement donne une lueur d’espoir aux Libanais qui souffrent ». Les termes sont mesurés et intéressants. Ils soulèvent en effet la question d’une possibilité de la fin des réticences diplomatiques à œuvrer avec Beyrouth. Ils laissent également entendre que cette possibilité pourrait ne pas être utilisée pour le bien commun du pays. Il y a pourtant urgence tant la classe moyenne libanaise, et tout spécialement les chrétiens, sont poussés à l’exil par désespoir et exaspération.