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Pays perdu

En arrivant au Rafic Hariri International Airport de Beyrouth, mes dollars valaient 33 000 livres libanaises l’unité.

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Pays perdu

Deux jours passèrent est ma richesse fut amputée, de 2 à 3000 livres, d’après le marché noir, que chacun ignore tout en le consultant. Trois jours après mon retour, voilà que le dollar s’étalonnait à 23 000 livres libanaises.

Les marchés ni les institutions internationales ne sont véritablement sérieux et sûrement pas rationnels. Leurs méfaits se payent au prix fort, loin des discours apprêtés et des icônes de contrefaçon. Plein de récits révolutionnaires, le Liban doit prendre garde aux conclusions de ses émotions : les Français peuvent leur en dire quelque chose. 

Partout, les hôtels ont perdu leurs touristes et accueilli les forçats de la réforme technocratique. Je les ai beaucoup croisés, hagards, souvent plumitifs. Ils hantent les entrées d’hôtels, pianotant frénétiquement leurs exigences et leurs admonestations. Les Libanaises n’arrivent plus à acheter du lait maternel et des couches. Que leur importe, tant qu’ils pianotent. A-t-on vu un de ces fantômes soigner un peuple ? Ils répondraient, entre deux cachets, qu’ils ne servent pas les situations mais les principes, dont les silences arrangent tout le monde.

Les Libanais sont des parias

Qu’importe alors que vous vissiez les plus hauts prélats, les ministres, le président de la République. Washington et Bruxelles ont décidé : les Libanais sont des parias, sans discrimination. Les dossiers des mercenaires de la réforme technocratique l’affirment : plus d’argent pour le Liban tant que les exigences des organes supranationaux ne sont pas remplies. Les souffrances des familles et les détails des situations ne comptent pour rien. La chute abyssale du salaire moyen non plus. Ce qui compte, pour les inspecteurs croisés à l’hôtel, c’est que leurs rapports soient respectés et leurs œufs brouillés à température. Le reste, c’est-à-dire la vie, ne les concerne pas. 

Comme ailleurs, la corruption des âmes et des pratiques abîme le corps social libanais. Est-elle cependant l’apanage du Liban ? Qui est transparent et probe au Proche-Orient ou en Europe ? Les bailleurs internationaux ont des exigences pour Beyrouth qu’ils oublient dans le voisinage. 

Les Libanais sont à l’agonie

Comme ailleurs, la capacité nationale à absorber les mouvements migratoires dépend de la volonté du peuple. Pourquoi l’ONU, l’Union européenne et Washington épuisent-ils le pays du Cèdre en lui imposant la présence depuis une décennie d’un million et demi de réfugiés syriens ?  Est-ce pour créer les conditions d’une répétition de l’histoire en rejouant les années 70 ?

Les Libanais sont à l’agonie. Les meilleurs s’enfuient, avec femmes et diplômes, pour trouver une vie plus calme, un cadre plus ordonné, pour fuir une milice, une ingérence, des souvenirs aussi. Les cauchemars ne sont dilués ni dans les élections législatives ni dans les préparatifs de l’élection présidentielle du mois d’octobre. Comment croire à ceux qui veulent changer le pays de l’extérieur ? Comment suivre ceux qui entendent refonder le pays en ignorant un tiers ou l’autre de ses habitants ? Comment tolérer l’arrogance des petits rapporteurs des hôtels, clones invivables au service de la dépression collective ?

On ne trouve plus de médicaments au Liban, le prix du pain y bat des records, les couples chrétiens y repoussent leur premier enfant. Ceux qui serrent l’étau qui blesse le pays n’obtiendront rien d’autre que l’anarchie, dont nous connaissons toujours les premières victimes.

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