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Les Ouïghours, persécution chinoise et circonspection occidentale

La persécution des Ouïghours par les autorités chinoises fait l’objet, chez les Occidentaux, d’une compassion qui n’a d’égale que leur circonspection et leur impuissance. Tout se passe comme s’ils plaignaient cette ethnie sans oser rien décider pour lui venir en aide.

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Les Ouïghours, persécution chinoise et circonspection occidentale

Composante relativement majoritaire (45 %) de la population du Xinjiang (où ils cohabitent avec 41 % de Hans et 14 % de représentants de 7 autres ethnies), province du nord-est du pays, les Ouïghours se présentent comme un peuple d’origine turque, quoique métissé, en raison des brassages historiques successifs de caractères héritées des autres populations de cette partie de la Chine. Leur langue propre est le ouïghour, intégré au groupe des langues turques, et leur religion est l’islam sunnite.

Une histoire mouvementée marquée par des soumissions successives

Au long d’une histoire mouvementée, les Ouïghours, longtemps nomades, formèrent un khaganat, équivalent approximatif d’un empire en Occident (744), puis se répartirent en divers royaumes ouïghours à dater de 843. À partir du XIIe siècle, ils subirent les dominations successives des Kara-Khitans (1130-1209), des Mongols (1209-1750), puis après la renaissance d’une entité ethnopolitique ouïghoure sous la forme du Khanat de Yarkand (1514-1750), des Chinois d’origine mandchoue de la dynastie Qing (1750-1911).

La République de Chine ayant refusé l’indépendance des Ouïghours, ceux-ci se révoltèrent en 1933 et formèrent une République islamique du Turkestan qui, proclamée le 16 mars 1933, fut écrasée par les musulmans Hui, alliés des Chinois et soutenus par l’URSS (16 février 1934). Une seconde République du Turkestan (République du Turkestan oriental), proclamée le 12 novembre 1944, sera absorbée par la République populaire de Chine le 22 décembre 1949, après de fausses négociations avec ses dirigeants et l’assassinat de ces derniers à Moscou, à la suite d’un accord secret entre Staline et Mao-Zedong.

L’impossible assimilation à la nation chinoise et l’inévitable conflit avec Pékin

Depuis, les Ouïghours font partie des 56 nationalités dont la constitution chinoise reconnaît et respecte très théoriquement l’identité et les droits en découlant dans le respect de l’unité de la Chine.

Mais cette unité n’a jamais été réalisée dans les âmes et les cœurs. Les Ouïghours ne se sentent pas chinois et aspirent à la formation d’un État propre ou, à tout le moins, à l’obtention d’une large autonomie politique et culturelle dans le cadre de la Chine. Par là, ils s’opposent au pouvoir de Pékin qui, depuis 1949, a opté en faveur d’une politique nationaliste chinoise unitaire, estompant autant que possible les différences entre les 56 nationalités. De surcroît, Pékin accorde depuis toujours la prépondérance à l’ethnie Han, majoritaire, à laquelle appartiennent ses maîtres.

Le conflit entre les Ouïghours et Pékin était donc inévitable. Il éclata, de manière particulièrement violente en 1990. Cette année-là, en avril, les forces de l’ordre chinoises tirent sur les nombreux manifestants de la ville d’Akto, qui protestaient contre l’opposition des autorités à la construction d’une mosquée, tuant 60 personnes. Voyant dans cette émeute une volonté d’attenter à l’unité du pays, les autorités chinoises, résolues à tuer dans l’œuf la résurgence de la résistance ouïghoure, procèdent, en juillet de la même année, à l’arrestation de 7900 Ouïghours de la province du Xinjiang.

En 1996, durant leur campagne de lutte contre le crime organisé, appelée « Frapper fort », les autorités chinoises arrêtent plus de 10 000 Ouïghours accusés de menées « séparatistes » ou de complicité avec ces menées, et font exécuter nombre de chefs politiques et religieux.

Le 5 février 1997, 30 chefs religieux sont arrêtés à Guldja, à la veille du ramadan. 600 jeunes ayant manifesté pour exiger leur remise en liberté, les autorités écrasent l’émeute par une opération qui provoque la mort da 167 personnes, et en font arrêter 5 000 autres, dont 7 seront exécutées publiquement.

Les manifestations sanglantes du terrorisme islamiste dans le monde suscitent, en de très nombreux pays, une indulgence à l’égard de la politique répressive de Pékin au Xinjiang. Cette indulgence est le fait des pays occidentaux victimes du terrorisme (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Belgique), mais aussi de maints pays musulmans qui redoutent un possible amalgame entre islam et fanatisme islamiste propre à dégrader leurs relations avec ces derniers. C’est ce qui explique que la Chine obtienne de pays comme le Pakistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan l’extradition de Ouïghours qui s’y étaient réfugiés. Néanmoins, les bonnes dispositions de tous ces pays à l’égard des autorités chinoises ne durent pas, et de nombreuses voix s’y élèvent pour dénoncer la répression du peuple ouïghour par le pouvoir de Pékin. En fait, seule la nécessité, en particulier pour les pays occidentaux, de maintenir de bonnes relations avec la Chine, pour des raisons économiques et géopolitiques, les empêchaient de dénoncer l’oppression des Ouïghours. Sur la scène internationale, et en particulier à l’ONU, la Chine dispose du soutien de la Russie. Le 19 décembre 2019, un « Gouvernement du Turkestan oriental en exil » voit officiellement le jour à Washington ; il se dote d’une constitution démocratique traduite en turc, anglais, chinois et japonais.

En juillet 2009, de violents affrontements opposent les Ouïghours aux Hans dans la province du Xinjiang. Les Ouïghours se lancent dans l’action terroriste. Un attentat à Pékin, place Tian’anmen, le 28 octobre 2013, tue 5 personnes et en blesse 45 autres. Un autre, dans la gare de Kunmin, dans le Yunan, le 1er mars 2014, blesse 130 personnes, et les militants ouïghours en tuent sauvagement 29 autres à l’arme blanche. La même année, un attentat perpétré dans la gare d’Urumqui, la capitale du Xinjiang, fait un mort et 79 blessés.

Le différend qui oppose les Ouïghours et les Chinois (en particulier aux Hans, dominants) tient à la spécificité ethnoculturelle des premiers, Turcs beaucoup plus que Chinois, turcophones et musulmans, ce qui rend leur assimilation, ou même leur simple intégration, beaucoup plus difficile que celle des autres nationalités, différentes de la majorité han. En fait, les Ouïghours semblent bien former un peuple original ayant vocation à disposer d’un territoire et d’un État propres, comme les musulmans d’Asie centrale : Turkmènes, Kazakhs, Kirghizs, Ouzbèks.

Les Ouïghours comme obstacle à l’unité et au développement économique d’une Chine qui entend devenir une très grande puissance

Mao Zedong, quant à lui, fit prévaloir des considérations idéologiques. À partir de 1958, et plus encore du déclenchement de la Révolution culturelle (1966), le « Grand Timonier » appela à la chasse aux « quatre vieilles » qui nuisaient à l’édification d’un socialisme égalitaire en rupture totale avec le passé : les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes. La Chine devait devenir un pays unifié réalisant la fusion de ses divers peuples (au mépris de la reconnaissance des 56 nationalités par la constitution) et l’abolition des classes sociales. La spécificité affirmée des Ouïghours constituait un obstacle à la réalisation de ce projet.

Une politique d’annihilation de l’obstacle constitué par les Ouïghours aux ambitions nationales de Pékin

Une politique coercitive fut alors mise en œuvre, marquée par la persécution de l’islam, l’intensification de l’enseignement du chinois officiel et la lutte contre les traditions ouïghoures. Cette répression obéit d’abord à des considérations géopolitiques. Xi Jinping est obsédé par la décomposition de l’URSS en 1990-1991, qu’il attribue à l’expansion des divers peuples non russes du pays et à l’affaiblissement irrémédiable du pouvoir de Moscou et du parti communiste. Il veut éviter à la Chine une pareille involution en mettant au pas les nationalités différentes de l’ethnie Han, prépondérante et maîtresse du pouvoir. Les Ouïghours ne sont pas les seuls visés par la politique coercitive de Pékin, mais leur irréductible spécificité fait d’eux des cibles privilégiées.

La répression procède aussi de considérations économiques. La Chine aspire à devenir la première puissance économique du monde futur, et les Ouïghours (moralement imprégnés par l’islam, religion relativement incompatible avec un fort développement) et leurs traditions paralysantes contrarient cette volonté d’expansion et de progrès.

Xi Jinping pense que le monde de demain appartiendra aux grands pays très peuplés et surtout composés d’une population aussi homogène que possible. S’il affirme dans certains discours la nécessaire complémentarité des diverses nationalités de la Chine, il l’entend comme la solidarité aussi étroite que possible de groupes ethniques qui abdiquent leurs spécificités pour se fondre dans un ensemble animé par un commun idéal national chinois, et soudé dans un grand effort collectif aux visées planétaires.

Aussi, depuis environ une quinzaine d’années, Pékin s’est efforcé de faire disparaître cet obstacle aux ambitions géopolitiques nationales et à l’essor économique du pays que constitue la communauté ouïghoure. Le pouvoir a donc adopté une politique visant essentiellement à réduire numériquement et à disperser cette dernière. Ainsi est appliquée une politique de stérilisation des femmes ouïghoures. Elle vise les femmes ayant déjà un ou plusieurs enfants.

Les pratiques musulmanes sont combattues : fermeture ou interdiction de la fréquentation de mosquées, interdiction de maints prénoms musulmans, du voile islamique et autres tenues couvrantes pour les femmes, du port de la barbe, de la djellabah et de fez, des réunions religieuses, des lectures du Coran en réunion, refus d’autorisation pour le pèlerinage de La Mecque.

Un conditionnement idéologique est déployé : de nombreux Ouïghours sont envoyés en camps de rééducation où, soumis à des conditions de vie très dures, ils suivent des cours d’endoctrinement de commissaires du parti communiste chinois. Les enfants sont les principales victimes de ces internements, mais ces derniers concernent aussi beaucoup d’adultes : principalement ceux qui sont suspectés d’hostilité au régime et de séparatisme, mais également d’autres, pourtant exempts de telles suspicions. Les Ouïghours reconnus comme activistes sont parfois exécutés après ou sans jugement, ou condamnés à de longues périodes de camp de travail. Beaucoup sont constamment enchaînés.

Pékin compte beaucoup sur les déplacements de populations pour annihiler l’ethnie ouïghoure. Nombre de Ouïghours se voient contraints de quitter le Xinjiang pour trouver du travail ou obtenir une situation intéressante. Simultanément, des Hans, aiguillés par les pouvoirs publics, sont conduits à s’installer dans cette province, qu’ainsi ils tendent à coloniser.

La prudente circonspection de l’Occident

L’Occident se montre sensible au sort des Ouïghours, mais impuissant à y remédier. Les pays européens ont trop besoin de la Chine pour se permettre de la critiquer. Les États-Unis manifestent la même prudence pour des raisons géopolitiques et géostratégiques, et ne souhaitent pas aggraver le mauvais état présent de leurs relations avec Pékin. Quant aux pays musulmans, à commencer par ceux d’entre eux voisins de la Chine, ils n’osent défendre leurs frères, de peur de se voir accusés de collusion avec le terrorisme islamiste que, il faut en convenir, pratiquent certains mouvements de résistance ouïghours comme le Parti islamique du Turkestan. Or, la lutte contre le terrorisme musulman, partout dans le monde, est considérée généralement comme une priorité, ce qui n’incite guère à une action en faveur des Ouïghours.

Par ailleurs, les Occidentaux, au fond, ne jugent pas la politique de Xi Jinping totalement injustifiée. S’ils réprouvent la dictature et redoutent les ambitions impérialistes de la Chine, ils comprennent la volonté des hommes de Pékin d’assurer le développement et le progrès de leur pays, gage de l’accroissement du bien-être de la population, et, peut-être, à long terme, d’une relative libéralisation du régime. Et ce d’autant plus que Xi Jinping sait très bien plaider sa cause, tant en Chine qu’à l’étranger. C’est donc, en définitive la circonspection, découlant d’une sorte de realpolitik entachée de mauvaise conscience qui prévaut, hors de Chine, sur la question des Ouïghours. 

Illustration : Le sort odieux des Ouïghours ne doit pas faire oublier que leur cause est instrumentalisée par l’islamisme et que l’Occident oublie totalement le sort des autres persécutés chinois.

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