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Le tribunal impossible

Dans sa ferveur russophobe du moment, l’Union Européenne veut rééditer toutes les mauvaises recettes du Traité de Versailles. Outre l’idiotie politique que cela représente, est-il seulement légalement possible de juger la Russie ?

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Le tribunal impossible

De bons esprits, en France ont proposé de traduire la Russie devant un Tribunal pénal international pour juger tous les crimes dont on l’accuse. Ursula von der Leyen, qui aime bien juger les autres et qu’on ne la juge pas, a fait chorus. L’époque est morale, comme chacun sait, et le fait que des gens moraux aient rédigé le Traité de Versailles, avec les heureux effets qu’il a eus, semble avoir été oublié. Mais laissons de côté cet aspect des choses et ne jugeons pas, en tout cas pas tout de suite, le désir d’enkyster les choses et de pérenniser la guerre, comme pour la Serbie.

Regardons ce qui est légal et possible.

L’Ukraine n’a pas ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (qui date de 1998), pas plus que la Russie, les États-Unis, l’Algérie, l’Iran, Israël, le Maroc et le Zimbabwe, toutes démocraties proclamées. C’est dommage, mais donc l’Ukraine n’est pas partie au Statut de Rome et tous les actes se déroulant sur le territoire ukrainien internationalement reconnu ne sont pas de la juridiction de la Cour. L’État palestinien a été plus habile. On peut se demander pourquoi Zelinsky ne se précipite pas pour ratifier, enfin, le Statut.

La Cour est compétente pour quatre crimes. Crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, crime d’agression. Que reproche-t-on à la Russie ? Des crimes contre l’humanité, un génocide ? Les définitions sont contraignantes, c’est une chimère, ce sera très difficile de prouver que la Russie veut exterminer tous les Ukrainiens – ne serait-ce que parce que les territoires qu’elle a annexés sont toujours, légalement, ukrainiens. Tuer les soldats ou les habitants d’un pays ne suffit pas à établir la chose, si révoltantes que puissent être l’agression ou les méthodes employées. Même les crimes de guerre posent problème dans ces combats où les combattants sont à l’intérieur des villes (l’Ukraine, pour démontrer sa résistance, n’a pas évacué ses villes) : comment prouver que ce sont uniquement les populations civiles, non-combattantes, qui sont visées ?… Les villes sont de facto devenues des objectifs militaires. Cela dit, l’Ukraine est compétente pour juger les crimes de guerre qui ont été commis sur son territoire et elle a déjà commencé à le faire, pas besoin de la Cour, et c’est légal.

L’agression impossible

Un crime d’agression ? Il se trouve que ce crime n’est pas défini. Cela fait 25 ans que les 123 états signataires du Statut (qui ne l’ont pas tous pour autant ratifié) discutent de cette définition. La Cour ne sera compétente qu’une fois que ce crime aura été défini. Mais pourquoi n’est-il pas défini ? Peut-on imaginer que la Russie mais aussi les États-Unis sont, comme l’Arabie saoudite, qui n’a même pas signé, pas plus que l’Azerbaïdjan, la Chine ou le Qatar, très ennuyés à l’idée qu’on puisse les juger ? Au passage, si l’on additionne les populations des pays non signataires et celles des pays n’ayant pas ratifié, on arrive à la moitié de la planète.

Ce crime d’agression, qu’on appelait crime contre la paix à Nuremberg, est un moyen d’incriminer un pays en termes généraux au-delà des personnes directement responsables des faits constituant les crimes de guerre. Le crime contre la paix est le recours à la force dans les rapports internationaux hors état de légitime défense. En 1992, le Koweït était fondé à se défendre contre l’Iran et à demander que les autres pays l’aident à se défendre. En 2003, l’Irak n’envahissait personne et les États-Unis ont eu besoin d’imaginer le mensonge des armes de destruction massive pour justifier leur invasion, leur prétendue existence constituant la rupture du traité de suspension d’armes. 

La CPI ne peut décider seule qu’il y a eu agression, elle ne peut pas se prononcer sur un crime qui n’est pas défini et ne peut donc entraîner aucun châtiment. Il faudrait un TPI ad hoc pour lancer l’affaire. Mais ce genre de tribunaux, comme celui pour le Rwanda ou la Yougoslavie, sont formellement des organes subsidiaires du Conseil de sécurité de l’ONU. Il faut une résolution du Conseil pour les créer. Conseil auquel siègent la Russie et la Chine et où elles ont droit de veto. Disons que la perspective est improbable.

On pourrait bien sûr imaginer un tribunal des Gentils Pays Démocrates, faisant fi de l’ONU (horresco referens) : quelle sera sa valeur internationale face à l’ensemble de toutes les nations ? On sent bien l’Otan prêt à devenir une ONU bis, avec cette idée fantastique d’intégrer le Pacifique dans sa zone d’influence, mais enfin, les pays non alignés ne seront sans doute pas enclins à trouver la chose parfaitement légitime ni même légale au regard des traités que tous, alignés ou non, ont signés.

Un concept politique

Revenons sur ce crime d’agression, qui est le nœud du problème. Quand la France intervient à Suez en 1956, quand les États-Unis interviennent dans l’île de Grenade, quand la France intervient en Afrique (toujours à la demande de l’État concerné), ces interventions se passent de l’aval du Conseil de sécurité. Ce sont, en quelque sorte, des guerres illégales, seul le Conseil de sécurité pouvant reconnaître qu’il y a eu agression, donc légitime défense, donc possible recours à la force armée, etc. Les États-Unis n’ont pas eu de mal à faire voter, passés les attentats de 2001, une résolution du Conseil pour dire que l’attentat était une agression, donc que les États-Unis pouvaient se défendre, donc qu’ils pouvaient envahir l’Afghanistan qu’ils désignaient comme base des auteurs de l’agression.

Il est bien évident que la Russie a agressé l’Ukraine. Si on définit à cette occasion ce qu’est une agression, la Chine aura du mal à envahir Taïwan… et les démocraties devront reconnaitre que tous ces traités ne sont que poudre de perlimpinpin si elles ne veulent pas avoir les mains liées à jamais par le Conseil de sécurité. On imagine mal la France et les États-Unis l’accepter.

Au final, l’agression se révèle pour ce qu’elle est : un concept politique, pas un concept juridique. Ce ne sont ni la CPI ni un hypothétique TPI qui pourront juger la Russie. La CPI est née du Traité de Versailles, qui prévoyait de juger les fauteurs de la Guerre de 14-18 (Guillaume II s’est tout de suite réfugié aux Pays-Bas, qui ne l’ont jamais extradé, et Hindenburg est devenu président de la république de Weimar : on mesure l’efficacité du Traité) et les responsables turcs du génocide arménien (qui se portèrent très bien). Il fallait aussi justifier les réparations. L’Allemagne paiera ! L’Allemagne n’a jamais voulu être mise au ban des nations au nom de la Justice. Bainville en a bien parlé en son temps. En 1945, moins moraux, on a accusé non pas l’Allemagne mais les nazis, ce qui a permis de réintégrer l’Allemagne dans la défense européenne (l’URSS était du côté du bien mais on se méfiait quand même).

Va-t-on arriver à trouver la définition parfaite de l’agression qui ne s’appliquerait qu’à la Russie agressant l’Ukraine mais en aucun cas à aucune des puissances qui ont l’habitude de recourir à la force ? La liste est longue des États qui recourent en ce moment à la force, Inde, Pakistan, Arménie… On n’arrivera qu’à prouver, une fois de plus, l’arbitraire international des organismes supranationaux tout entiers aux ordres des superpuissances. Est-ce vraiment la démonstration que l’Occident, “le monde libre”, “la communauté internationale”, veut donner ? 

 

Illustration : Les missiles russes tirés sur la ville de Kharkiv. Lorsque les combats sont urbains, les villes deviennent des objectifs militaires. Et si la grille énergétique ukrainienne sert à l’effort de guerre, ne devient-elle pas elle aussi un objectif militaire ? Le droit est plus complexe que les déclarations de Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

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