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Le châtiment de l’Occident [PM]

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Le châtiment de l’Occident [PM]

Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils continuent de chérir les causes, assurait en substance Bossuet. Cela vaut pour le conflit en cours en Syrie et en Irak. Washington et ses alliés européens payent aujourd’hui le prix de leurs interventions irréfléchies dans le monde arabe.

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La tragique leçon du 11 septembre ne leur aura pas suffi ! Le lien démontré entre les auteurs de la destruction des tours jumelles de Manhattan et les légions islamistes armées par la CIA en Afghanistan avait pu faire penser que les Américains ne se laisseraient plus jamais prendre à un jeu aussi dangereux. Et voilà que les sanglants exploits des cohortes du prétendu « État islamique en Irak et au Levant » nous conduisent pourtant à cet incroyable constat : alors même que les moyens gigantesques de leurs services de renseignements étaient employés à traquer un Ben Laden et d’autres chefs terroristes de moindre importance à travers le monde, les dirigeants américains ont consacré leurs efforts à financer, à équiper et à former des groupes islamistes fanatisés, se réclamant parfois d’Al-Qaïda, à seule fin de renverser un Bachar el-Assad dont l’unique désir était de normaliser ses relations avec les capitales occidentales. Car le plus extraordinaire, dans le stupéfiant imbroglio proche-oriental, réside assurément dans le fait suivant : les états-Unis entendent se débarrasser à tout prix d’un régime de Damas qui ne menace plus aucun de ses voisins alors qu’ils n’avaient pas craint d’en faire leur allié, notamment lors de la première guerre du Golfe, à une époque où la Syrie prétendait faire main basse sur un Liban bombardé et martyrisé par sa soldatesque.

Incurie ou volontaire « stratégie du chaos »

Une fois encore, en tout cas, moderne Golem, la créature islamiste a échappé à ses maîtres et les groupes radicaux, financés par Washington pour faire tomber le régime syrien, se sont empressées de mettre en pièces les chétives forces des organisations rebelles dites « modérées » avant de se déverser sur l’Irak sous les noires bannières du calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. Et l’aberrante stratégie concoctée dans les bureaux de la Maison Blanche et du secrétariat d’état américain aboutit ainsi à ce désastre définitif : un monde arabe abaissé, divisé et fracturé de toutes parts, entre une Libye pulvérisée en cent factions rivales à la suite de l’intervention occidentale, une Syrie ravagée par les hordes lancées à l’assaut de son territoire à l’aide de milliers de djihadistes étrangers et un Irak cassé en blocs confessionnels ou ethniques irréconciliables au sortir de l’occupation américaine. Avec en toile de fond, une Égypte qui peine à se remettre du traumatisme terrible que lui ont infligé le « Printemps du Caire » et l’éphémère mais catastrophique passage au pouvoir des Frères musulmans.

Cette situation incite certains esprits, qui ne sont pas tous sectateurs des théories du complot, à discerner dans la désintégration en cours du Proche-Orient et des pays de l’Afrique sahélienne, le résultat souhaité d’une politique machiavélique des responsables de la diplomatie américaine, politique qui viserait à provoquer sciemment un chaos généralisé aux frontières proches ou lointaines d’Israël afin de préserver ainsi la position prédominante que l’état hébreu a acquise dans la région. Et il est exact que telle fut l’un des objectifs assignés en son temps à ses disciples par Zeev Jabotinsky, le guide inspiré de l’aile droite du sionisme, dont les premiers ministres Begin, Shamir, Sharon furent tour à tour les héritiers avant le chef du gouvernement actuel, Benyamin Netanyahou, dont on sait l’influence à Washington.

Mais sans doute est-ce prêter à un Barack Obama et aux plus serviles de ses alliés, au premier rang desquels figure le pitoyable François Hollande, des capacités d’imagination dont tous paraissent bien dépourvus. Pourquoi ne pas accepter de voir plutôt dans les multiples et récentes entreprises menées par le président américain et ses affidés occidentaux – toutes suivies d’effets rigoureusement contraires à ceux escomptés – les preuves d’une incurie patente, fruit de leur commune soumission à une idéologie démocratique et des droits de l’homme désormais livrée à ses penchants les plus délétères ? Telle paraît bien être l’avis d’un Vladimir Poutine qui, pour bien connaître ce petit monde, ne réussit plus à cacher le mépris qu’il lui inspire. D’où ces propos très pertinents tenus le 26 octobre à Sotchi par le président russe : « Je suis toujours étonné par la façon dont nos partenaires occidentaux ne cessent de marcher sur le même râteau et, renouvelant la même erreur, prennent le manche dans la figure, encore et encore… »

D’un effondrement à l’autre…

Si Poutine est en mesure de délivrer un diagnostic aussi sévère mais aussi lucide sur les dérives des dirigeants occidentaux, c’est sans aucun doute parce que leurs politiques erratiques ne sont pas sans lui rappeler celles des hiérarques du Kremlin dans la période ultime de la décomposition de l’empire soviétique qu’il eut l’occasion d’observer de l’intérieur, en tant qu’agent du KGB. Le parallèle est saisissant, il est vrai, entre l’activisme sans frein déployé alors par les hommes au pouvoir à Moscou – de la Somalie et de l’Éthiopie à l’Afghanistan – à un moment où le sol commençait à se dérober sous leurs pieds sous les effets d’une crise économique et sociale devenue incontrôlable, et l’espèce d’ivresse interventionniste qui s’est emparée d’une Amérique et d’un Occident ravagés par les conséquences chaque jour plus dévastatrices de la crise d’un capitalisme financiarisé à l’agonie. Comme si, après l’effondrement du bloc communiste, son rival libéral s’affaissait et se disloquait à son tour pour avoir succombé à cet hybris en lequel les Grecs voyaient la faute suprême de toute civilisation.

La raison vacille en effet au spectacle de cet Occident défiant, menaçant ou frappant tout ce qui l’entoure dans le même temps où il invite les autres à la retenue et au respect de principes internationaux qu’il passe son temps à fouler du pied. Un Occident qui s’étonne, après avoir créé un désordre inextricable dans des régions entières de la planète par l’instauration forcée de régimes inadaptés aux conditions locales – qu’on considère à cet égard les résultats cataclysmiques du « tournant démocratique » imposé naguère par François Mitterrand aux pays africains francophones –, d’assister à un exode massif de populations vers les côtes méridionales de l’Europe dans un scénario digne du Camp des Saints du visionnaire Jean Raspail. Un Occident qui, après avoir peint la fragile dictature syrienne aux couleurs d’un enfer proche-oriental, s’affole de la réaction de milliers de ses jeunes ressortissants de confession musulmane, partis s’enrôler sous les étendards du djihadisme, avec la détermination de revenir poursuivre la lutte dans les quartiers de leur adolescence. De tout cela, les Grecs nous avaient avertis aussi : « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ».

Comment en est-on arrivé là ?
En chamboulant l’équilibre religieux et politique de l’Irak, l’intervention américaine de 2003 est directement à l’origine de la situation actuelle. Marginalisés, victimes de violences, les sunnites (un tiers de la population) qui détenaient le pouvoir sous Saddam Hussein, se soulèvent contre le nouveau régime chiite, soit par des manifestations soit par les armes malgré les quelques concessions du premier ministre chiite, Nouri Al-Maliki, au pouvoir entre 2006 et 2014.
Plusieurs tribus sunnites s’allient alors aux djihadistes de l’état islamique en Irak et au Levant (EEIL), dont l’influence ne cesse de grandir depuis le départ des Américains et la guerre civile syrienne, deux événements intervenus en 2011. L’EEIL, ou Daesh, est devenu aujourd’hui le principal parti sunnite d’Irak, mû par un objectif : l’instauration d’un califat sunnite à cheval entre l’Irak et la Syrie. à ce jour, il contrôle déjà une partie importante de la Syrie et du nord de l’Irak, dont la deuxième ville du pays, Mossoul.

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