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La vie politique reprend…

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La vie politique reprend…

La vie politique, suspendue par la crise sanitaire (non encore terminée, d’ailleurs), reprend. Voilà ce dont se réjouissent nos journalistes. Devons-nous les imiter ? On peut en douter. Car qu’est-ce qui va reprendre, en définitive ? La même entropie, le même chancre qui nous ronge depuis trop longtemps. Et aussi les mêmes tares, dont la moindre n’est pas le conformisme intellectuel et moral qui nous gouverne.

Le temps de la juvénocratie

Il est un domaine en lequel ce conformisme se fait sentir depuis peu, et qui est le recrutement de notre personnel gouvernemental. À la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, on a vu accéder à des fonctions ministérielles un ramassis de godelureaux et de péronnelles, choisis sur le seul critère de leur âge, et donc de la rupture qu’ils instituaient avec la génération précédente. La succession des générations est certes normale. Mais, jusqu’en 2017, elle était graduelle : les aînés cédaient progressivement la place aux jeunes, lesquels occupaient peu à peu tous les postes, au fur et à mesure qu’ils croissaient en âge, en expérience et en autorité. Il est dans la nature des choses que les gens promettent pendant leur jeunes années, s’affirment puis s’imposent durant leur maturité, et s’effacent ensuite. La gradation, la progressivité, le rythme lent du renouvellement des générations, assurent une certaine continuité morale et politique. Ce n’est pas le cas avec la juvénocratie que nous connaissons depuis quatre ans. Mais sans doute est-ce une façon parmi d’autres, de nous faire entrer de plain pied dans le « nouveau monde » cher à notre président, et de nous éloigner encore un peu plus de notre passé et de nos traditions, que ne transmet plus notre Éducation nationale. Cette forme de prise du pouvoir par les jeunes (lato sensu) sert à consolider le pouvoir déjà acquis des ennemis de notre civilisation.

Une conception idéologique et subversive des innovations sociétales

Ces ennemis sont nombreux, actifs et en position de force. Et c’est ce qui explique que toute promotion de n’importe quelle innovation sociétale soit une prise de pouvoir, dans notre pays. Et cela distingue nettement la France de ses voisins.
Considérons l’institution du mariage homosexuel. Au Royaume-Uni, pour prendre l’exemple d’un pays proche, il n’a consisté qu’en une concession (certes éminemment critiquable) à l’évolution des mœurs. Ni avant ni après son adoption ses partisans ne se sont signalés par une attitude agressivement offensive, tournée contre la société et la morale communément admise. Et son instauration n’a en rien bouleversé les mœurs et les habitudes des Britanniques. En France, il a pris l’allure d’un choix de civilisation, d’un combat contre une société traditionnelle fondée sur le mariage hétérosexuel et la famille, tout particulièrement la famille chrétienne, et contre la morale, elle aussi chrétienne, ou du moins encore inspirée par les valeurs chrétiennes, et en faveur d’une société en laquelle l’éthique ressortit au seul domaine privé, individualiste, hédoniste, et est étayée sur le désir. Le monde projeté et lentement créé par nos militants sociétaux est un univers de clones asservis à leurs désirs, sans morale ni liens familiaux. Toutes les conduites doivent procéder du choix individuel et du désir. On parle d’ailleurs du « désir d’enfant » comme s’il s’agissait du désir d’une friandise, d’une automobile ou d’une croisière. La possibilité de réalisation de ce désir est devenue une obligation impérieuse pour le législateur ; d’où l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA), bientôt adopté par nos parlementaires, aux lesbiennes et aux femmes seules et décidées à le rester. On célèbre continûment l’institution du mariage homosexuel et l’absence de toute restriction à la PMA comme de grandes victoires contre l’intolérance et une société corsetée dans une morale archaïque et répressive.

Des innovations consolidées par une mystification juridique

Et il n’est jamais question d’un quelconque retour en arrière. Les lois sociétales sont considérées comme des « avancées » et surtout des droits acquis sur lesquels il est interdit de revenir. À ce sujet, on invoque couramment un prétendu « effet cliquet » qui rendrait juridiquement impossible toute abrogation ou modification restrictive d’une de ces lois. On affirme le caractère illégal et inconstitutionnel d’une telle initiative. On ne saurait revenir sur des droits reconnus par une loi.
Il s’agit là d’une imposture monumentale à laquelle on feint de croire… au mépris du droit. Car cet « effet cliquet » n’a aucune réalité juridique. Il s’agit d’une fiction, pour ne pas dire d’un canular, utilisé comme argument (sans aucune valeur) par les défenseurs des innovations sociétales pour tenter, à l’avance, de taxer d’illégalité toute mesure éventuelle visant à revenir sur la légalisation des ces dernières. On affirme, tout à fait gratuitement, que notre constitution interdit de revenir sur une loi génératrice de droits nouveaux et/ou de libertés nouvelles, ce qui est absolument faux : la constitution garantit les droits et libertés fondamentaux (liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de la presse, libertés d’association et de réunion, liberté religieuse, le droit de vote et d’éligibilité, le principe d’égalité devant la loi, la présomption d’innocence avant condamnation, le droit de défense devant les tribunaux, les droits concernant l’intégrité physique et le traitement de la personne, etc.), mais ceux-ci ne s’étendent aucunement à la pratique de l’avortement, à la procréation ou au mariage. Il en va de même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (1948, sanctionnée par l’ONU), qui n’affirment nullement que l’insémination artificielle, l’avortement (ou même la contraception) et le mariage homosexuel font partie des droits fondamentaux de la personne, et des libertés intouchables. Rien ne s’oppose donc, juridiquement et constitutionnellement, à l’abrogation, par voie législative, des lois ayant institué, le droit illimité à l’avortement ou le mariage homosexuel. L’ « effet cliquet » n’existe pas. Mais on feint d’y croire, les uns pour préserver les « acquis » sociétaux de ces dernières décennies, les autres, pour se dispenser d’emblée de toucher à ces derniers (même s’ils les réprouvent) afin de pas avoir à braver la colère et la haine de leurs défenseurs et de leurs lobbies, tout-puissants au sein de l’intelligentsia, des médias et de la classe politicienne, régie par les seules valeurs de la gauche.
D’aucuns affirment que revenir sur ces innovations engendrerait des inégalités de type anticonstitutionnel. Ainsi, l’abrogation de la loi du 17 mai 2013 autorisant le mariage homosexuel instaurerait une inégalité entre les gens de même sexe déjà mariés sous le régime de cette loi, et ceux qui, non encore légalement unis, ne pourraient désormais plus l’être. Or, l’inégalité en question découlerait non d’une discrimination délibérée du législateur mais seulement de l’application du principe de la non-rétroactivité des lois (que personne ne songe à remettre en question). Et elle n’aurait rien de nouveau ni de scandaleux, puisqu’elle découle le plus normalement du monde de toute adoption d’une loi nouvelle, quelle qu’elle soit. Il n’est que de considérer la loi sur la réforme du régime des retraites. Elle crée une inégalité entre ceux dont elle ne modifie pas les conditions de départ à la retraite et le montant de leur pension, en raison de la tranche d’âge à laquelle ils appartiennent, et ceux qui, au contraire, seront affectés par elle. Cela ne la rend pas inconstitutionnelle, même si on peut regretter cette inégalité. Toute loi nouvelle, ou toute abrogation de loi, avantage ou désavantage des gens qui entrent de plain pied dans son champ d’application, relativement à d’autres, qui y restent extérieurs. Il ne peut en aller autrement, et contester cela mènerait à l’interdiction de confectionner de nouvelles lois sous peine d’engendrer de telles inégalités, ce qui serait aussi absurde qu’intenable.
Mais tout cela est délibérément ignoré pour la raison qu’en France, tout se vit et se pense en termes de prise du pouvoir, de coups de force destinés à promouvoir le monde de clones lobotomisés, sans famille, ni tradition, ni mémoire, ni spiritualité, ni morale (hors celles des « valeurs de la République ») prôné et inlassablement mis en œuvre, pierre par pierre, par nos « élites ». Il n’est que d’observer les réactions de nos journalistes, de nos intellectuels et de nos hommes et femmes politiques à l’occasion des débats suscités par la préparation, la discussion, puis le vote des textes de loi relatifs au droit illimité à l’avortement, au « mariage pour tous », et à la PMA (bientôt ouverte à toutes les femmes sans aucune restriction) : ces initiatives législatives ont toutes été présentées comme de remarquables avancées, dignes de la considération due à l’établissement du suffrage universel, et des lois ayant reconnu les libertés de la presse, d’opinion, d’association, de réunion, du culte, de l’enseignement, de la grève et des syndicats ; et leurs adversaires se sont vus stigmatisés comme des réactionnaires obscurantistes.

L’incurable mal révolutionnaire français

Nous nous trouvons ici en présence de l’incurable mal français né des Lumières du XVIIIe siècle et de la Révolution, et qui fait que cette dernière se prolonge continuellement, sans jamais connaître de terme, et que toute innovation en représente une nouvelle extension, une nouvelle victoire sur le chemin d’une démocratie universelle et égalitaire abstraite, en laquelle l’homme, l’humanité, objet d’un véritable culte, se décline concrètement en une multitude d’homoncules sans racines et gavés de propagande bien-pensante. Et ce ne sont pas le jeunisme et la juvénocratie actuels qui permettront de renverser la tendance.
Bref, la vie politique reprend, comme disent nos journalistes, sans que l’interruption provoquée par la pandémie de Covid 19 ait permis en rien de remettre les pendules à l’heure.

Illustration : À Mexico aussi, une jeunesse profondément ancrée dans le réel entend faire triompher la raison.

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