Les élections législatives danoises du 18 juin dernier ont vu une percée du parti populaire danois (Densk Folkeparti, DF) qui, avec 21,1 % des suffrages exprimés, enlève 37 sièges de députés, et devient le second parti du Danemark, derrière le parti social-démocrate et devant le parti conservateur libéral Venstre.
Bien entendu, les médias et les milieux politiques européens, se sont émus de « la montée de l’extrême droite » dans ce petit pays nordique paisible et prospère. Qu’on se rassure, le Danemark ne deviendra pas un pays xénophobe fondé sur le culte des races nordiques, l’exaltation de l’épopée des Vikings, le paganisme scandinave ou un luthéranisme exclusif.
Tout d’abord, le parti populaire danois, quoique constituant le groupe le plus important du Folketing (Parlement danois), a refusé de former le nouveau ministère, faute d’avoir trouvé un accord de législature avec les autres formations de droite. C’est donc Lars Løkke Rasmussen, déjà trois fois Premier ministre, qui, le 28 juin, a constitué le cabinet, très minoritaire, composé uniquement de membres du Venstre, qui, avec 19,5 % des suffrages, enregistre son plus mauvais score depuis sa fondation et ne dispose plus que de 34 sièges de députés, soit 1/3 de moins qu’auparavant. Ce ministère, privé de majorité d’entrée de jeu, ne durera guère et devra louvoyer constamment entre les divers groupes du Folkenting. Mais surtout, le Densk Folkeparti n’a rien d’un parti extrémiste.
Un parti centriste
En effet, il est, au Danemark, classé au centre, à droite du parti social-démocrate, mais à gauche du Venstre et des partis conservateurs. Au Folketing, ses députés siègent à gauche de ceux du Venstre. Il est intéressant de noter que, lors de la première législature à laquelle il ait participé (1998-2001), il a soutenu, sans y entrer, le ministère social-démocrate de Poul Nyrup Rasmussen. Puis, de 2001 à 2011, il a soutenu les cabinets conservateurs d’Anders Fogh Rasmussen (homonyme, mais non parent du précédent), toujours sans en faire partie. Depuis 2011, il a choisi la ligne de l’opposition à ces mêmes gouvernements.
Né en octobre 1995 d’une scission au sein du Parti du Progrès (Fremskridtspartiet), formation militant pour l’abolition de l’impôt sur le revenu, la réduction du poids de l’administration et un strict contrôle migratoire, il combine le souci de la défense de l’identité danoise et celui de la préservation du système de protection sociale édifié au fil des décennies. Attaché à la démocratie parlementaire, il ne se réclame d’aucune idéologie. Il n’est ni raciste ni xénophobe. Sa fondatrice et première présidente, Pia Kiaersgaard, a passé le relais, en 2012, à Kristian Thulesen Dahl, âgé aujourd’hui de 46 ans, économiste, membre des conseils d’institutions aussi diverses que l’université d’Aalborg, de l’aéroport de Billung et de la Banque nationale danoise, conseiller à la Cour nationale des Impôts. Thulesen Dahl, notable, père de famille tranquille, réfléchi, pondéré, ne présente pas le profil d’un agitateur populiste, moins encore d’un aspirant au pouvoir personnel. Sans véritable charisme, il jouit d’une autorité naturelle qui en impose à ses partisans et le fait reconnaître comme un homme sérieux et fiable. Il n’est ni un Le Pen ni un Umberto Bossi ; et ses préoccupations sociales l’opposent à un Gianfranco Fini ou à un Silvio Berlusconi, ultra-libéraux.
Défense du modèle social danois et de l’identité nationale et culturelle danoise
Car le parti populaire entend défendre le système de protection sociale, auquel tiennent tous les Danois. Il a d’ailleurs récemment conclu un accord avec le parti socialiste populaire (situé à gauche du parti social-démocrate) pour réclamer une revalorisation substantielle de l’indemnité contre le chômage. Mais il entend remettre ce modèle sur les rails, autrement dit recentrer ses missions et ses moyens sur les Danois de préférence aux immigrés, et sur les fractions nécessiteuses de la population, oubliées ou négligées depuis deux décennies, telles les retraités à faible pension et les salariés aux revenus les plus modestes. Ces deux catégories de la population ont quelque peu pâti de la sollicitude compassionnelle politiquement correcte des pouvoirs publics à l’égard des chômeurs, des demandeurs de premier emploi, et surtout des immigrés, abusivement considérés comme relevant d’un devoir d’assistance incombant au pays d’accueil, apparenté à une obligation morale.
Cette préférence paraît désormais d’autant plus inadmissible que nombre d’immigrés, et spécialement les musulmans, refusent le modèle d’intégration par assimilation, à la base de la politique danoise d’immigration. Ils cherchent à tirer tout le profit possible du modèle social danois sans consentir à aucun effort d’intégration, soucieux non seulement de conserver leur identité et leur mode de vie d’origine, mais encore de les promouvoir et de les imposer à la population par la prohibition de fait des habitudes de vie jugées par eux en contradiction avec leur religion. Ces musulmans-là, de plus en plus nombreux, ne se privent nullement de vilipender les mœurs, les coutumes, la langue, la patrie danoises, de faire l’éloge des pays islamistes, de demander pour eux la multiplication des lieux de culte, d’arborer des tenues vestimentaires caractéristiques du monde arabe. Sous leur pression, des crèches, garderies, cantines scolaires et hôpitaux ont éliminé des repas servis aux usagers tous les plats à base de chair de porc, notamment les pâtés, saucisses, boulettes et fricadelles, pourtant emblématiques de la cuisine danoise ; certains de ces services et établissements en sont arrivés à ne plus servir que de la viande hallal au public, lors même qu’il se compose d’une forte majorité de non-musulmans. Et, dans la foulée, ils ont accepté d’interdire les arbres de Noël. Pire : un groupe musulman semi-clandestin a tenté de créer à Copenhague des zones d’application de la charia contrôlées par une « police de la vertu ». Le même groupe a lancé des appels au meurtre des Danois et préconisé l’instauration d’un régime islamiste au Danemark.
Cette situation a suscité chez les Danois une réaction de défense compréhensible qui excède largement le parti populaire et que les gouvernants ont prise en compte. En 2009-2010, Inger Støjberg, jeune ministre de l’Emploi du cabinet Rasmussen (libéral) a pris diverses mesures salutaires : réduction des aides sociales aux chômeurs immigrés de plus de 30 ans refusant l’apprentissage du danois, subordination de la gratuité des soins à une période probatoire de plusieurs années pour les immigrés, réduction, pour ces derniers, des congés maternité et des prêts aux étudiants. Le 10 juillet 2013, elle a justifié sa politique dans une tribune du journal Politiken.
La percée du modéré parti populaire n’est rien d’autre que le signe fort de cette saine réaction nationale de défense.