C’est fou ce que l’espèce humaine peut être sage.
Il y a une cinquantaine d’années, les femmes, sauf quelques maboules, exhibaient leurs seins nus sur les plages. Aujourd’hui, c’est fini. Aujourd’hui, les femmes, sauf quelques maboules, après s’être introduit une ficelle dans l’arrière-train, exhibent leurs fesses sur les mêmes plages. Les hommes ne sont pas en reste. Il y a une cinquantaine d’années, ils exhibaient sur les plages des torses velus ; ceux qui manquaient de poils se plaquaient sur le poitrail des moumoutes confectionnées à cet usage. Aujourd’hui, le torse doit être glabre ; on s’épile, on se rase férocement ; le moindre poil qui échappe à cette désertification cause des douleurs sans pareilles.
Rêver de végétaliser
C’est vrai pour les plages, c’est aussi vrai pour ce qui se passe dans les têtes. Il y a une cinquantaine d’années, tout le monde, sauf quelques mabouls, ne rêvait que de technique, de progrès, de rendement. On déversait des tonnes d’engrais en chantant, on jouait du pesticide, on abattait les haies pour que les tracteurs puissent foncer à toute berzingue, on hurlait en couvrant le vacarme du moteur : « Le rendement ! Le rendement ! Le rendement ! », de telle sorte que les grands champs devenaient monotones sous un ciel bleu, lugubres sous un ciel crachineux. L’homme avait réussi à enlaidir la campagne. Aujourd’hui, sens inverse, rétropédalage forcené, demi-tour parfait du troupeau docile, il faut sauver la planète. L’homme, l’humain (de sexe masculin et de sexe féminin, lui et elle, iel et autres) ne rêve que de végétaliser en interface avec la biodiversité. L’humain, sauf quelques mabouls, ne rêve que d’énergies propres, renouvelables, dépourvues d’empreintes carbone ; il ne veut pratiquer que l’agriculture responsable, citoyenne, vertueuse, durable et pérenne. Du coup, il plante des éoliennes partout. L’humain, ce grand sage, a encore réussi à enlaidir la campagne.