France
Cesser de se mentir
Sous le titre évocateur de Bal des illusions, l’essai de Richard Werly et de François d’Alançon tombe à pic.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Pour cette année 2015, la France avait prévu de frapper une pièce commémorative de 2 euros célébrant le 500e anniversaire de la bataille de Marignan – victoire française, faut-il le rappeler ? -, une des rares dates de l’Histoire que tous les Français connaissent. Or, on sait qu’un ou plusieurs États de la zone euro peuvent saisir les instances européennes afin qu’elles refusent un motif de pièce commémorative ; c’est ainsi que l’Italie, devant la Commission, a obtenu le rejet du projet « Marignan ». Dans le même temps, la pièce belge de 2 euros voulant célébrer les 200 ans de la bataille de Waterloo a été refusée, elle aussi, cette fois à la demande de la France.
Dans le premier cas, seules des maquettes avaient été réalisées. Dans le second cas, ce sont 180 000 pièces « Waterloo » déjà frappées qui sont mises au rebut…
N’est-il pas « frappant », justement, de voir combien l’Histoire continue à être utilisée, ou, comme dans les cas présents, « surtout pas utilisée », par des États appartenant à une même Union européenne qui s’affirme résolument tournée vers le futur ?
Doit-on continuer à nier l’Histoire selon qu’elle arrange ou non les dirigeants des États ? La France – donc les Français – ont-ils honte d’une bataille qui, somme toute, eut le double mérite de mettre fin aux ambitions guerrières et conquérantes d’un monarque insatiable, et d’établir pour un temps la paix en Europe ?
A noter que les Belges, sur le territoire desquels s’est déroulée la bataille, n’ont pas un instant souhaité provoquer la France. Le projet n’est pas britannique !
Quant à l’Italie et la France, ne peuvent-elles être « amies » aujourd’hui, à cause d’une bataille qui date d’un demi-millénaire ? Commémorer Marignan est-il inacceptable pour une Italie qui n’existera que 345 ans plus tard ? D’autant que les Vénitiens furent alors les alliés des Français !
En vérité, il semblerait que la procédure d’acceptation des projets de pièces commémoratives de 2 euros (2 par an et par pays de la zone euro) ne puisse plus désormais échapper au principe de précaution, grand principe-refuge de nos dirigeants européens. Pas de sujet qui fâche ! Ou risque de fâcher. Mais si Marignan et Waterloo sont censurées – à quand leur retrait des livres d’Histoire ? -, on n’ose imaginer la quantité de thèmes numismatiques -y compris des personnages célèbres dont l’œuvre ne serait pas parfaitement correcte politiquement – qui, faute de passer à la frappe, passeront à la trappe ! Devrons-nous nous contenter d’admirer aux avers des pièces commémoratives des spécimens de coléoptères ou des techniques de point de croix ?
Absurdité supplémentaire d’une Europe qui ne veut pas assumer son Histoire.
Ps : La double polémique de cette année 2015 n’est pas une première ; on se souvient des Saints Cyrille et Méthode qui ont bien failli ne jamais voir leur portrait sur une pièce, avec leurs auréoles et leurs croix chrétiennes. Ils y parvinrent quand même, grâce à l’insistance des Slovaques, non entièrement soumis à la technocratie bruxelloise.