En 1821, la Grèce se soulevait en faveur de son indépendance. Le 25 mars prochain nous fêterons les deux cents ans des débuts de son affrontement avec l’Empire ottoman. Et il y a peu de chance qu’Erdogan se munisse d’un Benjamin Stora local pour se repentir des actions ottomanes contre cette insurrection. Elle devait aboutir à la conférence de Londres en 1830 et donc à une victoire diplomatique des Hellènes
L’Union européenne ne semble pourtant pas très désireuse de fêter l’évènement. Elle aurait pourtant là motif à affirmer que, pour une fois, la coopération diplomatique entre les Nations aura permis l’indépendance d’un des actuels États membres. L’Autriche n’en fut pas ravie, mais elle céda. Las, l’Union européenne sort d’un moment de présidence allemande où tout aura été fait pour apaiser les relations de Bruxelles et de la Turquie. Un nouvel épisode du tropisme germanique en faveur de l’alliance avec Ankara.
Il faut se souvenir pourtant de l’escalade verbale amorcée au cours de l’été par l’illumination d’une frégate de la marine française par la marine turque. Certes, l’évènement n’avait déjà pas abouti à la solidarité européenne et l’OTAN avait même refusé de soutenir la France. Mais tout de même, la commission européenne aurait pu prêter l’oreille au discours du calife qui affirma le 30 août 2020 : « Le peuple français sait-il le prix qu’il devra payer à cause de ses dirigeants cupides et incompétents ? » (La Libre Belgique). Il continuait d’ailleurs le 5 septembre : « Nous en avons assez de ces jeux d’ombres. Ça devient comique de mettre en face d’une puissance régionale et internationale comme la Turquie un État qui ne se suffit même pas à lui-même. Tous les fronts hostiles peuvent s’unir, ils ne pourront pas stopper l’ascension de la Turquie. » (Radio et Télévision de Turquie – TRT).
Après l’assassinat de Samuel Paty, quelques puissances européennes y allèrent tout de même de leur soutien à la France. Histoire de faire bonne mesure et, certainement, de dissimuler l’action initiée en coulisse. Dans le même temps, Heiko Maas, ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, multipliait les contacts prônant l’apaisement avec la Turquie. À tel point qu’à la fin de l’année 2020 un début de lune de miel se noue entre Ankara et Berlin, si bien que lors d’une rencontre organisée ce 18 janvier, le ministre, ne trouva rien à redire quand son collègue turc, Mevlüt Çavuşo?lu, menaça Athène en cas de résistance au chantage turc en Méditerranée.
La Grèce de réagir en affirmant que : « Si Heiko [Maas] a compris les propos de M. Çavuşo?lu et est resté silencieux, alors nous avons le droit d’indiquer qu’il ne s’agit pas d’une réaction adéquate de la part d’un représentant européen. » Et nous ne doutons pas qu’Heiko avait compris.
La Turquie continuera donc son chemin expansionniste. Elle est riche d’une politique nationaliste, d’un président largement apprécié par sa base et de l’aveuglement occidental. Certains racontent même que le mythe du couple franco-allemand continue à être enseigné à l’école… c’est dire !
Face à elle, l’Union européenne demeure fidèle à son inconsistance stratégique. Quant à la France, elle tenta certes de tenir plus ferme que ses voisins européens. Piégée dans l’OTAN, incapable de résister à la présidence allemande de l’UE, affaiblie par la religion des droits de l’homme, elle subit une humiliation diplomatique indéniable.
Les chrétiens de Turquie en souffriront infiniment. À Chios, où l’on se souvient des massacres ottomans, le soleil continuera à briller. Jusqu’à la prochaine provocation turque ?