Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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A quoi servent donc les lois de moralisation ?
Les dernières élections sont passées, bien passées, presque oubliées, jusqu’à ce que dans six mois, on parle des prochaines : c’est donc le moment d’en parler tranquillement.
En 2012, un candidat d’abord chouchou a finalement été blackboulé parce qu’on avait appris qu’il était très chaud lapin. En 2017, un autre l’a été à son tour pour être soupçonné de se servir un peu de l’argent public lui passant par les mains. Et pourtant, Louis XIV, Louis XV, qui n’étaient pas du tout des puceaux, furent de grands chefs d’État ; Louis XVI, qui était chaste, fut un monarque plus discutable. Mazarin, qui puisait à fond la caisse, fut un ministre accompli. Juger des gens, non sur la compétence qu’on exige d’eux, mais sur une vertu étrangère à cette compétence, c’est mélanger les torchons et les serviettes.
Il n’y a pas qu’en politique que cette lamentable confusion existe. Elle existe aussi en littérature. Certains décrètent qu’Aragon est un mauvais poète parce qu’il est communiste, alors que c’est tout de même le plus grand poète du XXe siècle ; d’autres, de l’autre côté, braillent que Montherlant est un pitoyable prosateur, parce qu’il n’est pas de gauche. Et on obtient le prix Nobel, non pas en fonction de son talent, mais parce qu’on a de bonnes idées qui plaisent au jury suédois, comme quoi la confusion des torchons et des serviettes n’est pas que française. Un auteur un peu célèbre, académisé s’il m’en souvient bien et inverti déclaré, a avancé sans rigoler que seuls les invertis avaient du talent, du génie et que si Victor Hugo n’avait pas les mêmes mœurs que lui, c’est qu’il les refoulait. Et je veux bien qu’il y a une proportion triomphante d’homosexuels parmi les élus de la littérature et des arts, mais c’est, je crois, parce que jusqu’à ces années dernières, les homosexuels se cachaient et jouer à cache-cache vous accroît la finesse. Maintenant que les homosexuels tiennent le haut du pavé, hou là ! j’ai peur pour eux : plus de dissimulation, plus de finesse, plus de sensibilité aux aguets, aiguisée, moins de vie intérieure, adieu le génie. Ce seront les chastes et les puceaux, sur qui tombe aujourd’hui toute l’opprobre, qui vont en acquérir.