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Rapport Sauvé : l’Eglise, le mal, le pardon

L’Église est injustement attaquée puisqu’on ne s’efforce pas de distinguer en même temps les maux qu’elle commet et le bien qu’elle assure. Mais ne devrait-elle pas se poser, elle, la question de son sens de la justice, que la miséricorde ne devrait pas sans cesse surpasser ?

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Rapport Sauvé : l’Eglise, le mal, le pardon

Le rapport Sauvé, relatif aux abus sexuels dans l’Église catholique en France, est pour beaucoup l’occasion d’attaquer non seulement l’Église, mais le christianisme de manière générale (je ne dirai pas « la religion », car nul n’ignore que, pour l’athée contemporain moyen, si toutes les religions sont égales, certaines le sont plus que d’autres – ou qu’en tout cas il est plus prudent de réserver ses attaques à certaines d’entre elles).

Ces attaques sont normales et même, dans une certaine mesure, légitimes, car nul ne peut nier sérieusement que l’Église catholique de France a, en tant qu’institution, des choses à se reprocher. Le petit nombre (estimé) de prêtres prédateurs – environ 3000 – comparé au grand nombre de victimes (estimé) – environ 215 000 – signifie que les prédateurs ont pu agir pendant de très longues années sans être véritablement inquiétés ni mis à l’écart par leur hiérarchie, que cela soit par aveuglement, lâcheté, indifférence, esprit de corps très mal compris ou autre chose encore.

Ce qui, de fait, est corroboré par les quelques scandales retentissants qui ont déjà éclaté.

Juger l’Église ?

À ceux qui tirent de ces crimes sexuels commis par des prêtres la conclusion que le christianisme est un truc pourri, que l’humanité se porterait mieux sans cette religion et si tous les hommes étaient athées, je rappellerai simplement ces remarques de deux philosophes, que nulle personne sachant lire ne pourra prendre pour des dévots, pour dire le moins, et qui tous deux ont eu maille à partir avec l’Église catholique.

Montesquieu tout d’abord : « C’est mal raisonner contre la religion, de rassembler dans un grand ouvrage une longue énumération des maux qu’elle a produits si l’on ne fait de même celle des biens qu’elle a faits. Si je voulais raconter tous les maux qu’ont produits dans le monde les lois civiles, la monarchie, le gouvernement républicain, je dirais des choses effroyables. »

Rousseau ensuite : « Un des [sophismes] les plus familiers au parti philosophiste est d’opposer un peuple supposé de bons philosophes à un peuple de mauvais chrétiens : comme si un peuple de vrais philosophes était plus facile à faire qu’un peuple de vrais chrétiens ! Je ne sais si, parmi les individus, l’un est plus facile à trouver que l’autre ; mais je sais bien que, dès qu’il est question de peuples, il en faut supposer qui abuseront de la philosophie sans religion, comme les nôtres abusent de la religion sans philosophie ; et cela me paraît changer beaucoup l’état de la question. (…) D’ailleurs il est aisé d’étaler de belles maximes dans des livres ; mais la question est de savoir si elles tiennent bien à la doctrine, si elles en découlent nécessairement ; et c’est ce qui n’a point paru clair jusqu’ici. Reste à savoir encore si la philosophie, à son aise et sur le trône, commanderait bien à la gloriole, à l’intérêt, à l’ambition, aux petites passions de l’homme, et si elle pratiquerait cette humanité si douce qu’elle nous vante la plume à la main. »

Je n’ai pas besoin d’illustrer cela en vous parlant du communisme, ce serait faire insulte à votre intelligence.

À ceux que les turpitudes avérées du clergé conduisent à remettre en question non pas leur foi mais l’institution catholique, je dirai qu’il me semble plus juste et plus avisé de juger une institution par ce qu’elle produit humainement de meilleur que par ce qu’elle produit de pire. Je veux dire par là que, l’homme étant ce qu’il est, nulle institution qui traverse les siècles ne manquera jamais d’imbéciles, de lâches, d’escrocs et de criminels en tous genres dans ses rangs. Cela ne dit pas grand-chose contre elle. Les criminels qu’elle compte dans ses rangs sont-ils pires et plus nombreux que ceux que l’on peut trouver en dehors de ses murs ? Voilà déjà une question plus sérieuse, et qui mérite examen.

Mais, pour s’en tenir aux seuls crimes sexuels, il me paraît bien difficile de soutenir que les prédateurs que l’on peut trouver au sein de l’Église seraient plus nombreux (en termes relatifs) et pires que ceux que l’on peut trouver en dehors de l’Église. Peut-être dira-t-on que ces crimes-là, commis par des prêtres, sont pires, en un sens, que ceux commis par des laïcs, parce qu’ils provoquent des blessures morales plus profondes étant le fait, justement, d’hommes censés avoir consacré leur vie au service de Dieu. Si l’on a la foi, cette objection peut s’entendre, mais jusqu’à un certain point seulement car, si vraiment il fallait faire ce choix atroce, quel parent, même dévot, préférerait savoir son enfant aux mains d’un Michel Fourniret que dans celles du père Marcial Maciel ?

À Dieu ne plaise, en disant cela, que je veuille diminuer l’horreur que l’on a pour ces crimes commis par des ecclésiastiques, que la religion, la morale et la politique condamnent tour à tour, ce que j’en dis ne porte que contre l’injustice qui peut s’insinuer à l’occasion de l’horreur même que l’on en doit avoir, pour paraphraser Montesquieu.

Il est plus juste et plus avisé de juger une institution par ce qu’elle produit humainement de meilleur.

Les abus sexuels révélés par le rapport Sauvé ne me paraissent donc pas suffisants pour condamner l’institution ecclésiastique en tant que telle, pas plus d’ailleurs que les crimes des Borgia ou ceux de l’inquisition en d’autres temps. L’Église catholique a, au cours de sa longue histoire, abrité bien des criminels en son sein, cela est certain, mais il est très douteux qu’elle en ait abrité plus et de pires que d’autres institutions semblables en grandeur et en puissance. L’horreur est humaine, si je puis dire, et commune à toutes. En revanche, il n’est pas donné à toutes les institutions, et peut-être à aucune autre, de compter des saints dans ses rangs.

Il n’est nul besoin d’être croyant pour admirer la vie et les œuvres de ceux que l’Église a canonisés, qui appartiennent incontestablement à un type humain très élevé et ne peuvent trouver de concurrents sérieux, en termes de perfection de l’intellect et du caractère, que chez les plus grands philosophes et les plus grands politiques.

On pourra toujours chipoter ici ou là sur la biographie de tel ou tel, trouver tel ou tel saint plus ou moins aimable ou à son goût, mais on ne peut pas sérieusement contester que l’Église a produit au cours des siècles nombre d’hommes et de femmes absolument hors du commun. Lisez simplement la biographie de Jean de Brébeuf et dites-moi quelle personne, parmi celles que vous admirez, a fait preuve de seulement autant de courage, d’abnégation, de patience et de dévouement que cet homme-là[1]. Je vous laisse chercher.

Tout cela pour dire que, dans le jugement global que l’on peut porter sur l’Église, les individus admirables que l’on peut trouver en son sein me paraissent devoir peser plus lourd que les criminels que l’on y trouve également. Il est de la nature des institutions humaines d’échouer très fréquemment à atteindre les buts qu’elles se proposent, dès lors que ceux-ci sont un peu élevés. Ce qui est réellement remarquable, et devrait susciter de la gratitude et de l’indulgence, c’est lorsqu’elles y parviennent.

Miséricorde et justice

Est-ce à dire pour autant que l’Église catholique n’a pas un sérieux examen de conscience à faire ? Point du tout, et je l’ai dit en commençant. Il y a incontestablement certains éléments de doctrine et d’organisation qui ont favorisé, non pas tant les abus sexuels, que la longue impunité des prédateurs. Remettre à cette occasion, une fois encore, sur le tapis la question du mariage des prêtres est soit de la stupidité soit de la malhonnêteté. En revanche, il me semble pertinent, comme le fait le rapport Sauvé, d’évoquer la difficulté spécifiquement chrétienne à articuler la miséricorde et la justice. Parce que le Dieu des chrétiens veut le salut de tous les hommes, parce qu’il est possible, jusqu’à l’extrême limite de son existence – entre le pont et l’eau, selon le mot du curé d’Ars – d’obtenir la miséricorde divine par un repentir sincère, les chrétiens sérieux ont parfois du mal à faire droit aux exigences de la justice humaine, qui demande à ce que le criminel souffre pour le mal qu’il a fait, et ce indépendamment de toute évolution future de celui-ci. Des expressions émouvantes de repentir – dont Dieu seul peut connaître la sincérité ou l’hypocrisie – suffiront parfois pour considérer que la brebis égarée est rentrée au bercail et qu’il convient de l’accueillir fraternellement, comme si rien ne s’était passé. Dieu n’accorde-t-il pas plus de prix à la brebis égarée qu’à celles qui restent sagement au sein du troupeau ? Ne sommes-nous pas tous pécheurs ? Et, de surcroît, le Christ ne nous a-t-il pas enjoint de tendre l’autre joue lorsqu’on nous frappe ? Et c’est ainsi qu’un louable souci de charité peut parfois se transformer en une préférence perverse pour les coupables et en une inimitié à peine déguisée envers les victimes, qui, vraiment, devraient accepter de tourner la page, et se réjouir du repentir exprimé par leur bourreau, au lieu d’insister pour qu’il soit puni pour ce qu’il leur a fait.

Il y a là une tentation propre au christianisme, une pente sur laquelle les chrétiens, et l’Église, sont toujours susceptibles de glisser, et contre laquelle, par conséquent, ils devraient toujours se tenir en garde. Que l’Église ait d’ailleurs déjà assez sérieusement dévalé sur cette pente depuis le dernier demi-siècle me paraît suffisamment attesté par son opposition nouvelle à la peine de mort ; opposition portée haut et fort par le pape François, qui a voulu que le caractère « inadmissible » de ce châtiment soit désormais inscrit dans le catéchisme.

Pour justifier cette opposition catégorique, qui est en contradiction à la fois avec les Saintes Écritures, la Sainte Tradition, et le Magistère de l’Église jusqu’à François, il est affirmé que : « Aujourd’hui on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens des sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir. » (§ 2267)

Ce qui est hors sujet sur le premier point, puisque c’est justement la dignité particulière de la vie humaine qui justifie que les assassins soient exécutés solennellement ; inquiétant sur le second point, puisque cette « compréhension nouvelle » du sens de la sanction pénale découle en réalité d’un « humanitarisme séculier » fondamentalement hostile au christianisme ; et tristement révélateur sur le troisième point, puisque l’espoir du repentir du coupable vient s’opposer à l’exigence de proportionnalité entre le crime et le châtiment qui est au cœur de toute notion de justice : « Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ; car Dieu a fait l’homme à son image. » (Genèse, 9, 6).

On voit comment certaines vertus chrétiennes peuvent trop aisément, sinon devenir folles, du moins passer la mesure pour se transformer en leur contraire.

Je ne prétends évidemment pas qu’il y aurait une corrélation entre la longue indulgence dont ont manifestement bénéficié certains prédateurs sexuels au sein de l’Église et l’opposition récente à la peine capitale. Je dis simplement que l’on trouve, à mon avis, au fond de l’une et l’autre chose une même incapacité à articuler correctement justice et miséricorde. Si l’Église veut effectivement tirer les bonnes leçons des révélations consternantes du rapport Sauvé, elle devrait se pencher très sérieusement sur ce problème. Et donc aussi reposer à nouveaux frais la question de la peine de mort.

 

Illustration : François Devaux, ancien président de l’association « La Parole libérée », créée par les victimes du père Preynat, qui a été la première victime interrogée par la Commission, déclare aux évêques, le jour de la publication du rapport : « Vous – devez – payer – pour – tous – ces – crimes. »

 

[1]. Jésuite missionnaire français, apôtre des Hurons, atrocement martyrisé par les Iroquois en 1649. Comme tout bon jésuite de l’époque, il adopta le mode de ses vies de ses ouailles mais leur enseigna la seule vérité tout en profitant de son apostolat pour faire œuvre de grammairien (on lui doit un dictionnaire et une grammaire hurons) et d’ethnographe.

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