Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Question « bateau », si vaste qu’on pourrait la poser à un éventail de personnes, ouvert des élèves de sixième aux candidats à l’élection présidentielle en passant notamment par un binational de fraîche date, trois ex-gilets jaunes, un retraité, deux fonctionnaires, divers salariés, un chef d’entreprise… et même à un élève de l’ENA !
Notre époque est marquée par un éclatement sans précédent des solidarités familiales, sociales et professionnelles, un délitement du savoir, une étonnante vulnérabilité au bourrage de crâne médiatique, une étrange docilité envers un pouvoir pourtant peu respecté in petto. Ceci répond déjà indirectement à la question !
Le peuple français était connu naguère pour son caractère volontiers frondeur et batailleur, raisonneur autant que travailleur, ses qualités guerrières, la furia francese, ses savants et ses saints ; le voici moutonnant, peureux, tout prêt à rechausser le masque covidesque au moindre claquement de doigt d’un petit Véran.
S’il est vrai qu’être Français procède d’une certaine fierté d’appartenir à un peuple héritier d’une longue et glorieuse histoire et tourné vers l’avenir au risque des épreuves et des malheurs, force est de constater que ce sentiment a déserté de larges couches de la population, à commencer par les plus jeunes ; les enseignants honnêtes et de bonne foi (il en reste encore) le savent bien : de nombreux élèves se moquent d’être Français, certains vont même jusqu’à haïr leur pays, intoxiqués qu’ils sont par la doxa islamique. Les autres pour une grande part sont vautrés, comme leurs parents, dans l’ignorance et la manipulation compulsive de leur vénéré smartphone : petits bourgeois précocement formatés au modèle libéral, ils seront plus tard de bons consommateurs au mental orwellien.
Michel de Jaeghere montre magistralement dans son ouvrage Le cabinet des Antiques récemment paru aux Belles Lettres, que la cohésion d’un peuple et la pérennité d’une nation sont inséparables d’un socle religieux commun, d’où la loi tire sa légitimité. Qu’en est-il chez nous ? Où est le socle commun ? La religion catholique ? Cela fut le cas autrefois, et le plus officiellement du monde, pendant des siècles ; cet héritage jadis vivant a été renié dans le sang par la Révolution. Il a pourtant subsisté au fil du temps, vaille que vaille, tant il était étroitement chevillé au grand corps français. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Une pratique archi-minoritaire, une ignorance archi-majoritaire, un clergé profondément divisé. L’éducation nationale, après avoir été longtemps irriguée par un reliquat de morale chrétienne et un patriotisme sincère s’est muée en une dangereuse secte au service de la démolition du savoir et du viol des jeunes consciences.
Mais revenons à nos candidats à la « magistrature suprême » : essayons d’imaginer ce qu’ils répondraient à la question « qu’est-ce qu’être Français en 2022 ? » Certains l’ont fait d’eux-mêmes, sans qu’on le leur demande ; mais comment faire la part de la sincérité et du faux semblant électoraliste ? La République est tour à tour une mendiante et une prédatrice, selon qu’il s’agisse de voix ou des impôts. Pour voter, il est bon de se poser toutes ces questions, même au risque de décourager l’accomplissement du sacro-saint devoir électoral !
Et pour vous, ami lecteur, sincèrement, alors que la guerre gronde à l’est, que l’avenir s’assombrit, et que notre pauvre pays piétine au sein d’une Europe sans âme, qu’est-ce qu’être Français en 2022 ?