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Parrainages : légitimité censitaire ou populaire ?

Un entretien avec Christophe Boutin.

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Parrainages : légitimité censitaire ou populaire ?

Laurent Fabius, President du Conseil Constitutionnel a Paris le 25 janvier 2022. Paris, FRANCE - 25/01/2022. Laurent Fabius, President of the Constitutional Council in Paris on 25 January 2022. Paris, FRANCE - 01/25/2022//04HARSIN_LAURENTFABIUSCONSEILCONSTITUTIONNEL015/2201251556/Credit:ISA HARSIN/SIPA/2201251606

À l’origine de leur institution, les parrainages sont-ils supposés prouver la légitimité des candidats ?
Pas dans l’esprit gaulliste. Dans cette approche, les parrainages sont seulement censés éviter que la participation de « zozos » à l’élection ne dévalorise cette dernière et, au-delà, le statut du futur élu. Le parrain n’apporte donc aucune légitimité particulière – et on sait ce que de Gaulle pensait des partis politiques. La légitimité ne saurait venir pour lui que du vote direct du peuple, sans presque aucun filtre préalable.
Mais cette idée est sans doute présente chez ceux qui restent sur l’approche censitaire de l’élection du président de la République par un collège électoral. Pour ces derniers, le choix préalable des élus, supposé raisonnable à raison même de ce statut d’élu, était l’indispensable complément de l’onction populaire et de ses risques de débordements. C’est ce que l’on retrouve de nos jours chez une Anne Hidalgo, actuellement créditée de 3 à 5 % d’intentions de vote dans les sondages, et qui considère que leur difficulté à trouver des parrainages prouverait qu’Éric Zemmour ou Marine Le Pen, tous deux crédités de 16% d’intentions de vote, ne seraient pas légitimes.
La lutte entre ces deux conceptions de la légitimité, la populaire et la censitaire, a débouché sur l’opposition en 1962 entre de Gaulle, qui réussit finalement à imposer un maximum de 100 parrains, et les propositions de Pompidou et surtout de Giscard qui, eux, en voulaient plusieurs milliers.

Au fur et à mesure de l’histoire de la Ve République, vous démontrez que les notables et les partis sont très opposés à un système qui ne leur permet pas de contrôler le suffrage universel.
C’est ce qui ressort en effet très clairement des débats parlementaires de 1976, lorsque l’on modifie la loi pour passer de 100 à 500 parrains et que l’on impose la publicité des parrainages. Le sénateur René Jager déclare ainsi que « si le référendum de 1962 a supprimé [aux élus du collège électoral] le droit d’élire le président de la République, il nous paraît sage […] de restituer à ceux qui exercent, à tous les échelons de la vie politique, la responsabilité, le soin de déterminer ceux qui, par leurs options politiques ou leurs engagements civiques, méritent de postuler à la fonction de président de la République ». « Par leurs options politiques… » Jamais sans doute le but de la manœuvre n’a été avoué avec autant de franchise.
Mais nous avons aussi insisté sur le rôle de « juge et partie » du Conseil constitutionnel. Juge électoral de l’élection présidentielle, il s’est en effet autorisé de son propre chef, en 1974, à publier une déclaration dans laquelle il invitait à revoir la loi sur les parrainages, notamment pour augmenter le nombre de parrains, ce qui appuiera la réforme de 1976. Mieux encore, tenant à la publication de tous les parrainages, il va de 1988 à 2002 violer la loi, qui n’impose la publication que de 500 d’entre eux par candidat, en les affichant tous à ses portes. Ses pressions aboutiront à la réforme de 2016 et au système actuel de la publication de tous les parrainages au rythme de leur arrivée par voie postale.

Comment justifier que pour élire un président les citoyens aient besoin du filtre des élus, alors que ces mêmes élus peuvent être élus sans filtre préalable ?
Pour le principe même du filtre, on le justifie volontiers par l’importance prise par le président de la République, clef de voûte des institutions dès les débuts de la Ve, « arbitre » théorique devenu « capitaine » dans la pratique pour reprendre la formule de Jean Massot, et plus encore capitaine avec l’instauration du quinquennat. Il fallait, disait-on, donner une certaine hauteur à cette « rencontre d’un homme et d’un peuple », et éviter de la perturber par des candidats « fantaisistes » – une formule qui sonne curieusement de nos jours avec le rôle joué en Ukraine par son président, Volodymyr Zelensky, un humoriste dont nul ne conteste pour autant la légitimité.
Pour la composition du filtre ensuite, on retrouve la volonté des notables de reprendre en main une élection qui « leur appartenait ». Des élus dont les fonctions sont par contre naturellement moindres que celle du Président (on rappellera que la plus grande partie des parrains potentiels sont des maires, parfois de très petites communes) et qui n’ont donc pas besoin de tels filtres pour leur propre élection.

Aujourd’hui, et dans les faits, la question des parrainages est-elle un garde-fou institutionnel ou une “barrière à l’entrée” du marché politique ?
Ce garde-fou institutionnel ne nous a pourtant pas protégés de candidatures très atypiques (Cheminade) ou bien peu représentatives (Poutou, Arthaud) : on a toujours de 1 à 6 candidats qui sont en-dessous des 2% de suffrages obtenus mais qui ont eu sans problèmes leurs 500 parrainages. Le problème se pose en fait prioritairement pour ceux des candidats opposés à la doxa dominante, qui sont qualifiés d’« extrémistes » et de « populistes » et, comme tels, stigmatisés par les médias – en 2022 Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour. Le « garde-fou » semble donc bien n’être, dans la pratique, qu’un barrage idéologique.
Quant à votre image de la barrière, elle pose la question du garde-barrière, et les élus ne craignent plus d’évoquer les multiples pressions subies : celles de leurs administrés, des autres élus de leur intercommunalité, d’élus nationaux, du préfet, autant de dispensateurs de postes et de subventions qui veillent au respect de la doxa.
Mais il faut encore souligner l’usage que font certains partis des parrainages de leurs élus, qu’ils dispensent en des choix parfois bien tortueux, favorisant un rival du camp d’en face pour en affaiblir un autre, ou se constituant dans leur camp, en lui permettant de paraître sur les écrans de la campagne, un affidé… et une potentielle réserve de voix.

« On retrouve la volonté des notables de reprendre en main une élection qui « leur appartenait »

Peut-on imaginer un autre mode de validation citoyenne des candidatures ?
C’est en effet l’une des propositions qui est faite pour sortir des blocages actuels, quand un tiers seulement des parrains potentiels acceptent de donner leur signature à un candidat, avec des désaccords sur le nombre idéal de présentateurs. On peut aussi panacher les deux (parrainage d’élus, en moindre nombre alors, et de citoyens), comme on peut élargir le vivier de parrains potentiels en y incluant tous les conseillers municipaux, eux-aussi élus au suffrage universel direct, et donc aussi légitimes que les maires.
Mais quelle que soit la solution retenue on bute sur la question de l’anonymat d’un parrainage qui reste toujours dans l’esprit des gens un choix clairement politique, un vote en faveur de celui dont on soutient ainsi la candidature, et ce même si l’on tente régulièrement de rappeler que ce ne serait pas le cas et qu’il ne s’agirait que de permettre un pluralisme démocratique.

Que penser de ce qui se passe en 2002 ?
Cette pré-campagne de 2022 ne peut que mener à changer les règles dans un avenir proche tant le système apparaît clairement bloqué aux yeux de tous. À moins d’une semaine de la date limite pour la réception des parrainages par le Conseil constitutionnel, il manquait toujours près d’une centaine de parrainages à Marine Le Pen et Éric Zemmour, représentant pourtant à eux deux un tiers des intentions de vote. Cela conduit ces candidats à perdre énormément de temps, et parfois à suspendre leur campagne, quand d’autres n’ont aucun problème.
On sentait d’ailleurs la panique chez ceux qui se demandaient quelles conséquences auraient une telle élimination du jeu démocratique d’acteurs importants de notre vie politique : Jean Castex rappelait à la Chambre qu’un parrainage n’est pas un vote, d’autres abondaient dans le même sens, et François Bayrou avait mis sur pied une « bourse des parrainages » pour permettre à Zemmour et Le Pen d’être candidats – lui-même donnant son parrainage à Marine Le Pen. Quant au Conseil constitutionnel, il a validé un parrainage d’élu ayant fait voter ses électeurs pour déterminer son choix, ce qui est pourtant assez loin de ce vote « personnel » qu’il prônait.
Reste que ces solutions, qui visent à mettre en place un filtre partisan sur la base de sondages – on n’accorde les signatures de secours qu’à ceux qui recueillent un certain nombre d’intentions de vote, mais à partir de quel seuil ? – sont pourtant bien moins démocratiques et efficaces que ne le serait le simple retour à l’anonymat des parrainages.

 C. Boutin, F. Rouvillois, Les parrainages. Ou comment les peuples se donnent des maîtres. La Nouvelle Librairie, en partenariat avec la Fondation du Pont-Neuf, 2022, 184 p., 15,50 €.

 

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