Vous connaissiez Ferdinand Bardamu adulte, héros du Voyage au bout de la nuit, découvrez-le enfant dans Mort à Crédit, publié en 1936. L’adaptation de cette œuvre se fait l’écho de la jeunesse de Bardamu, double de Céline. Fils unique d’une mère dentellière et d’un père employé d’une compagnie d’assurance, Ferdinand vit dans un cadre familial lugubre où se côtoient misère, souffrance et dégoût de vivre. Dans une mise en scène magistrale de Géraud Bénech, Stanislas de la Tousche, saisissant par sa ressemblance avec l’auteur, nous embarque dans une tempête où se tient un homme haletant, toujours malmené, jamais apaisé, qui déplie sa vie sans apitoiement entre torgnoles et néologismes, avec la gouaille du poulbot parisien au langage cru et imagé. Tout est déconcertant, fantastiquement écœurant parfois, mais on reste suspendu à ce style si particulier qui est le « seul mode d’expression pour faire jaillir l’émotion, faire “ressentir” » « Il est impossible de le faire, selon Céline, avec le langage académique, usuel – le beau style ». Cette langue abrupte vous traverse et vous entraîne à un rythme effréné où tout est saisi avec une force inouïe tant dans la description des événements anodins de la vie quotidienne, où rien ne nous n’est épargné, que dans celle du vieux Paris à la croisée des deux siècles si bien dépeint. « La marque d’un grand comédien, nous dit Michel Bouquet, c’est qu’il faut que l’acteur se mette dans le train, sur les mêmes rails que l’auteur. » Stanislas de la Tousche, une fois de plus, nous révèle toute la mesure de son talent. 

Théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, 75005 Paris

Réservation : 01 42 01 81 88

Illustration : ©Fabienne Rappeneau